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Israël-Palestine : Les Travaillistes au secours de Sharon
La Knesset, le parlement israélien, a entériné le 26 octobre, à une faible majorité des députés, le plan de retrait du territoire de Gaza proposé par Ariel Sharon et qui se heurte à l'opposition de sa propre majorité parlementaire. Outre les colons qui manifestent dans la rue, tous les partis religieux et la moitié de son propre parti, le Likoud, s'opposaient au projet. Celui-ci n'a pu être adopté que grâce au renfort des députés travaillistes de la Knesset.
C'est donc la gauche israélienne qui aura permis au Premier ministre d'obtenir un soutien parlementaire suffisant pour entamer le processus de retrait des 8000 colons établis dans la bande de Gaza et dans quatre colonies mineures de Cisjordanie. Il s'en faut pourtant de beaucoup pour que le plan Sharon puisse apparaître comme un véritable pas, même petit, vers une paix israélo-palestinienne. Le retrait de Gaza n'est envisagé que parce que la situation des 8000 colons dans cet étroit territoire peuplé d'un million et demi de Palestiniens devient intenable. Les récentes opérations militaires israéliennes à Gaza, particulièrement meurtrières, montrent d'ailleurs que les dirigeants israéliens n'envisagent le retrait qu'après avoir terrorisé la population et en la maintenant ensuite sous menace militaire constante.
Le démantèlement des colonies n'est pas immédiat. Il devrait s'achever avant la fin 2005. C'est seulement lorsque les colons seront partis et leurs maisons détruites que les installations militaires israéliennes seront évacuées, sauf au sud, à la frontière avec l'Égypte. C'est dire que bien des événements peuvent survenir d'ici là qui pourraient remettre en cause le retrait annoncé.
Enfin et surtout, le retrait de Gaza aurait pour pendant le renforcement de la colonisation de la Cisjordanie, dont la construction du soi-disant «mur de sécurité» est tout un symbole. Ainsi, même si le «plan de retrait» est rejeté par une grande partie de sa formation de droite, le Likoud, et plus encore par l'extrême droite, il est clair pour les politiciens qui se rangent dans le camp de Sharon que «son objectif est de perpétuer le contrôle israélien sur la majeure partie de la Cisjordanie et de repousser toute pression interne ou externe en faveur d'une solution politique différente», comme l'écrivait il y a quelque temps un député travailliste dans les colonnes du quotidien Haaretz.
Les dirigeants de la gauche israélienne, loin de dénoncer cette politique de Sharon, enchaînent donc l'avenir des cinq millions de Juifs israéliens et des trois millions de Palestiniens à la réalisation d'un plan hypothétique alors qu'en Cisjordanie les implantations continueront. Actuellement, 4000 logements de colons seraient en cours d'édification dans ce territoire, ce qui ferait progresser de 10% le nombre d'Israéliens dans ces enclaves.
Ces colons sont très minoritaires par rapport à la population palestinienne, mais ils sont d'autant plus déterminés, pour la plupart, qu'ils se sentent trahis par les politiciens qui les ont poussés à s'installer là. Fréquemment animés de sentiments racistes, ils se sentent les pionniers d'un État religieux et anti-arabe, et constituent pour les groupes ultra-religieux et d'extrême droite, à la Knesset et ailleurs, un moyen de pression sur la politique du gouvernement. Le rapatriement des colons de Gaza, s'il devient effectif, ne pourra que renforcer encore ce courant. En définitive, ce ne sont pas seulement les Palestiniens, c'est aussi la population israélienne qui en paiera le prix, avec le renforcement de ce groupe de pression réactionnaire; au point que dès à présent certains observateurs évoquent le risque d'une guerre civile à l'intérieur même d'Israël.
Suivant leur politique habituelle, les dirigeants travaillistes démissionnent devant le leader de la droite Sharon et se justifient par l'existence d'une extrême droite encore pire. Puis ils se retournent contre les Palestiniens en les avertissant par avance que la réussite du plan de Sharon dépendra de leur attitude «responsable» et de leur capacité d'«arrêter le terrorisme». Comme si la politique des gouvernements israéliens successifs, depuis 37 ans d'occupation, n'était pas elle-même l'une des principales causes du glissement de nombre de Palestiniens, et de leurs organisations, vers cette politique désespérée et sans issue!
C'est non seulement l'intérêt des Palestiniens, mais aussi celui de la population israélienne, d'en finir avec cet état de guerre permanente. Et il n'y a pas d'autre choix pour cela que d'accepter de vivre en paix à côté d'un État palestinien. Malheureusement, pour trouver la voie d'une telle coexistence, elle ne peut faire confiance ni à Sharon ni même aux politiciens travaillistes, qui portent une large part de responsabilité dans la situation actuelle et les laissent otages de la droite et de l'extrême droite.