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Dans le monde
États-Unis : Et après le 2 novembre ?
«Cette élection revient au bout du compte à choisir le "moindre mal", c'est-à-dire, si on en croit ce qui se dit notamment parmi les dirigeants syndicaux, qu'ils veulent qu'on vote Kerry pour virer Bush.
Est-ce vraiment un "moindre mal"? Qu'est-ce que cela veut dire? Les deux partis peuvent utiliser des mots différents, mais Kerry et les Démocrates s'alignent sur la politique de Bush. À propos des guerres de Bush, Kerry promet l'escalade: envoyer plus de troupes et de bombes. Pour les réductions d'impôts aux grandes entreprises, le candidat démocrate promet d'en accorder encore plus avec le même prétexte que Bush: les réductions d'impôts créeraient des emplois. En ce qui concerne les dépenses du gouvernement, Kerry promet de réduire le déficit budgétaire, ce qui n'est pas autre chose, en langage codé, que de dire qu'il va sabrer dans les budgets sociaux, les services publics et l'éducation, tout ce dont les travailleurs ont besoin.
Les Démocrates ont aidé Bush à faire passer sa politique au cours des trois années et demie qui viennent de s'écouler. Parfois, ils ont voté à la majorité ses propositions, celles concernant par exemple la guerre, ou de nouvelles lois répressives, et deux sur quatre de ses réductions d'impôts en faveur des riches et des entreprises. Et ils lui ont donné les voix dont il avait besoin dans bien d'autres cas encore.
Les Démocrates, un moindre mal? C'est absurde. C'est un peu comme dire qu'il est moins grave de mourir en prenant de l'arsenic que de la strychnine: un moindre mal peut-être, mais vous êtes mort pareillement.
Bien sûr, les travailleurs ne peuvent pas voter pour Bush et les Républicains, qui sont clairement les ennemis des travailleurs. Mais voter pour les Démocrates, simplement parce qu'ils prétendent être vos amis, tandis qu'ils mènent une politique tout aussi antiouvrière, c'est une erreur grossière.
Voter pour l'un ou l'autre de ces partis, c'est signer un chèque en blanc pour que le gagnant nous impose encore plus de sacrifices. Avec notre vote, nous approuvons, par avance, les attaques que mèneront les Démocrates ou que poursuivront les Républicains.
Il y a aussi des gens qui prétendent que les travailleurs ne sont pas capables d'avoir leur propre parti! Et pourquoi pas?
La classe ouvrière américaine a plus de forces qu'il n'en faut pour construire son propre parti. Si Kerry gagne cette fois, ce sera dû principalement à tous ces militants syndicaux qui, en dépit de ce qu'il défend, se sont lancés eux-mêmes dans une campagne pour convaincre leurs camarades de travail de voter pour lui. Si Kerry l'emporte, une bonne partie du prix de cette victoire aura été payé par les efforts des syndicats pour lever des fonds pour lui et, plus significativement encore, par toutes leurs initiatives de soutien à son endroit.
Tous ces efforts, toute cette énergie dépensée par des militants de la classe ouvrière pour quelqu'un qui défend les patrons, auraient mieux été employés à dire la vérité sur le piège du système des deux partis, à dénoncer leur politique commune et à conduire les combats politiques nécessaires aux travailleurs. Si l'énergie utilisée ces jours-ci à faire élire Kerry était dépensée à défendre les intérêts des travailleurs, nous aurions un parti ouvrier.
La classe ouvrière des États-Unis a les forces nécessaires pour construire son propre parti. Mais ce parti ne verra pas le jour tant que notre argent, nos efforts et nos voix seront utilisés essentiellement pour mettre au pouvoir les Démocrates (ou les Républicains).
Un parti des travailleurs est non seulement possible, mais c'est même une nécessité absolue. Quoi qu'il sorte des urnes en novembre, les travailleurs devront faire face à des attaques. Ce qui comptera alors ce sera ce que nous déciderons de faire: défendons-nous en refusant de faire plus de sacrifices, en luttant contre l'intensification du travail dans les entreprises et les réductions d'effectifs qui ont entraîné la disparition de tant d'emplois. Ce qui aurait un sens c'est que nous exprimions notre colère contre les sales guerres, qui non seulement dressent les travailleurs américains contre les autres peuples dans le monde, mais qui sacrifient une nouvelle génération de jeunes travailleurs, transformée en chair à canon, en même temps que cela réduit à l'arrière la satisfaction des besoins de la population. L'important serait que nous soutenions les soldats américains qui expriment leur opposition à la guerre et que nous soyons capables de nous mobiliser pour forcer le gouvernement à payer, à chaque niveau, pour ce dont nous avons besoin: l'éducation de nos enfants, les services publics et les budgets sociaux.
En luttant pour tout cela, non seulement nous nous défendrions aujourd'hui, mais nous entamerions aussi le processus de construction d'un authentique parti de la classe ouvrière, dédié uniquement à la défense des intérêts des travailleurs et des autres opprimés.»