Guadeloupe : Émeute de la colère à Pointe-à-Pitre27/10/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/10/une1891.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Guadeloupe : Émeute de la colère à Pointe-à-Pitre

En Guadeloupe, une après-midi et une nuit d'émeute ont secoué Pointe-à-Pitre, samedi 23 et dimanche 24 octobre. Ces événements ont démarré à la fin d'une manifestation de soutien à Michel Madassamy, responsable du syndicat indépendantiste UGTG, emprisonné depuis plus de trois semaines et en grève de la faim depuis. La manifestation était organisée par l'UGTG, d'autres syndicats (CGTG, syndicats enseignants) et des partis politiques (Parti Communiste, KLNG, UPLG, Combat Ouvrier).

Des groupes de militants et de jeunes ont demandé aux commerçants de fermer par solidarité. Par crainte, ils s'exécutaient, mais immédiatement après le passage de la manifestation ils rouvraient leurs grilles. Des manifestants sont donc revenus à plusieurs reprises pour leur redemander de fermer. Un des commerçants refusa catégoriquement et sortit un revolver. Des policiers s'interposèrent, l'un d'entre eux sortit son arme et tira des balles en plastique, blessant quelques jeunes. L'arrivée en nombre des forces de répression fit exploser la colère des jeunes. Des voitures furent renversées et brûlées. Face aux tirs nourris de grenades lacrymogènes, les jeunes répondirent en lançant des pierres sur les forces d'intervention.

Ces premiers incidents attirèrent d'autres jeunes ainsi que des travailleurs des quartiers pauvres entourant Pointe-à-Pitre, et les affrontements continuèrent toute l'après-midi. Les forces de répression arrosaient les rues de grenades lacrymogènes, même là où il n'y avait pas de manifestants. Deux hélicoptères de la gendarmerie tournoyaient au-dessus de la ville, jetant eux aussi des lacrymogènes.

C'est dans le quartier pauvre de Boissard que les incidents furent les plus violents. À plusieurs reprises les jeunes firent reculer les gendarmes sous leurs volées de pierres. Certains furent interpellés et copieusement tabassés. Dans la nuit, dans le quartier du Carénage, autre quartier pauvre, des bandes de jeunes encagoulés et armés ont affronté les forces de répression, lesquelles tiraient sur eux à balles réelles, faisant quatre blessés. Le lendemain, la ville de Pointe-à-Pitre présentait un aspect de désolation. Au cours des violents incidents, treize jeunes furent interpellés et huit d'entre eux incarcérés. Cinq ont été condamnés lundi 25 octobre à des peines allant de un à quatre mois de prison ferme et trois attendent leur jugement.

Les organisations syndicales et politiques qui réclament la libération de Madassamy ont pris fait et cause pour ces jeunes, pour la plupart victimes du chômage, de la misère, et du désespoir qui en découle. Ces mêmes organisations ont prévu une série de meetings ainsi qu'une manifestation pour la semaine prochaine.

Une semaine de tension

Ces violences étaient facilement prévisibles car, la semaine précédente, une série d'événements avait fait monter la tension dans l'île, dont l'interpellation de près d'une douzaine de dirigeants syndicalistes le mercredi 20octobre au matin. On sait maintenant que c'est le préfet Paul Girod de Langlade qui en avait donné l'ordre. Certains dirigeants ont été arrêtés dans leur voiture, comme le secrétaire général de l'UGTG des employés communaux, Guy Suzanon. À Capesterre, des gendarmes tentèrent de maîtriser le secrétaire général de la CGTG et militant de Combat Ouvrier Jean Marie Nomertin, mais il réagit et ses camarades ouvriers de la banane le dégagèrent des mains des gendarmes. L'un de ces derniers mit même Nomertin en joue pour l'intimider. Une autre responsable de la CGTG, Marie-Agnès Castrot, par ailleurs militante de Combat Ouvrier, fut emmenée menottée à la gendarmerie de Capesterre. Gaby Clavier, ex-secrétaire général de l'UGTG, venu demander des comptes sur cette interpellation, fut lui-même arrêté. Pendant toute la journée, les militants de la CGTG alertés ont manifesté devant la gendarmerie, exigeant la libération des deux militants, qui eut lieu vers 18h.

Tout au long de la semaine, des incidents eurent lieu notamment devant les hypermarchés Carrefour à Baie-Mahault et aux Abymes. Ces deux magasins durent fermer leurs portes à plusieurs reprises. Là aussi, des tentatives d'intimidation eurent lieu, deux vigiles grévistes syndiqués à l'UGTG furent emmenés par les gendarmes et gardés plusieurs heures.

Les grèves et blocages

Dans un certain nombre d'entreprises, les travailleurs ont déclenché la grève à la demande de la direction de l'UGTG. Ils mettent aussi en avant leurs propres revendications. D'autant que c'est la période des négociations annuelles (NAO) souvent houleuses. Dans d'autres entreprises, ce sont des travailleurs de la CGTG voire de la CTU qui sont en pointe.

C'est ainsi que tous les syndicats du port autonome de la Guadeloupe (UGTG, CGTG, MASU) ont déclenché la grève totale ainsi que les portiqueurs. Les travailleurs municipaux sont en grève. Les cantines scolaires ne fonctionnent pas. À l'heure où nous écrivons, les mairies de Pointe-à-Pitre, Abymes, Baie-Mahault, Petit-Bourg, Goyave ne fonctionnent pas ou très peu.

Les employés de l'ANPE sont en grève totale ou partielle suivant les agences. Aux Ciments Antillais (Ciments Lafarge), les travailleurs ont repris le travail après plusieurs jours de grève et après avoir obtenu satisfaction. Ceux de Colas, entreprise du bâtiment, sont entrés en grève à l'appel de leurs syndicats. À la CAF et à la Sécurité sociale, des militants de l'UGTG manifestent devant les entrées presque tous les jours et la majorité des employés retournent chez eux.

Dans les banques, après la longue grève du début de l'année, les patrons revenant sur les décisions prises, les employés menacent à nouveau d'entrer en grève.

Les travailleurs de Bata sont actuellement en grève pour exiger que leurs revendications en NAO soient prises en compte et aussi exiger la libération de Madassamy. Les travailleurs du Conseil régional (UGTG) sont entrés en grève.

Devant le CHU de Pointe-à-Pitre - Abymes plusieurs dizaines d'employés, principalement de l'UGTG, filtraient les entrées. Mardi 26 ils faisaient face aux forces de gendarmerie.

Dans d'autres entreprises, c'est la grogne, notamment dans celles situées autour de l'aéroport.

Partager