Lille : La lutte des pompiers02/02/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/02/une-1699.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Lille : La lutte des pompiers

Lors des manifestations pour le maintien des retraites jeudi 25 janvier, l'émotion était encore très forte à Lille où tout le monde savait qu'un pompier de 55 ans, à quelques mois de la retraite, avait eu la main arrachée en voulant écarter une grenade offensive lancée par les gardes mobiles le matin même.

Cela fait près de trois ans que les pompiers professionnels, ainsi que les pompiers volontaires, manifestent contre les effectifs insuffisants, le manque de moyens mis à leur disposition, les salaires ou les indemnités des volontaires trop faibles.

S'il y a pourtant un service public qui devrait bénéficier du soutien sans faille de l'Etat, c'est bien celui-là. Son utilité n'est bien sûr pas à démontrer, mais en plus les soldats du feu prennent régulièrement des risques importants, qu'ils soient professionnels ou volontaires, dans les incendies, les accidents et les catastrophes dans lesquels ils sont appelés à intervenir.

Eh bien, là aussi, l'Etat, pourtant si généreux en subventions patronales, ne donne pas aux pompiers les moyens de fonctionner efficacement, avec le maximum de sécurité.

Sauf à Paris et Marseille où une partie des pompiers dépendent de l'armée, c'était encore récemment les communes ou les communautés urbaines qui avaient la charge des services de pompiers. Ainsi la Communauté Urbaine de Lille consacrait environ 300 F par an et par habitant pour ce service. Mais d'autres communes avaient un budget nettement plus réduit.

En 1996, le gouvernement Juppé a engagé une départementalisation du corps des pompiers, et Jospin l'a poursuivie. Beaucoup de pompiers pensaient que cette réforme n'avait guère d'intérêt. La majorité des interventions ont lieu dans les zones urbanisées et la création d'une direction départementale n'apportait aucun avantage sauf peut-être d'avoir un prétexte pour augmenter les charges des communes rurales.

Et c'est là où le bât blesse : le financement du nouvel organisme de gestion, le SDIS (Service Départemental d'Incendie et de Secours) est assuré par les communes, qui sont réticentes, et par des Conseils Généraux (élus au niveau des départements) qui versent ce qu'ils veulent.

Pierre Mauroy proposait que ces SDIS soient rattachés aux Conseils Généraux. La commission sur l'avenir de la décentralisation estimait, elle, nécessaire de créer un véritable service public, totalement pris en charge par l'Etat et placé sous l'autorité du préfet. Aucune de ces solutions n'est de toute façon satisfaisante si les crédits sont insuffisants !

C'est encore un cas où les pouvoirs locaux se renvoient la balle avec l'Etat central pour ne pas payer ou payer le moins possible. Les responsables des Conseils Généraux, des Conseil Régionaux et même des communes, quand elles sont importantes ou regroupées, trouvent plus urgent d'arroser les patrons que de faire fonctionner correctement les services publics. C'est d'ailleurs l'Etat qui leur donne l'exemple.

Et on assiste à la situation qui aurait pu être cocasse si ce n'était pas la qualité des services publics qui se dégradait et le personnel des écoles, des hôpitaux, des transports, des pompiers, etc, qui en souffrait. Car bien des politiciens critiquent vivement depuis la province la politique de leurs amis politiques en place au gouvernement Parfois ce sont les mêmes qui siègent ou ont siégé dans deux assemblées, en tant que députés et aussi en tant que conseillers régionaux ou conseillers généraux. Les dirigeants du Parti Socialiste, au pouvoir dans les deux département du Nord et du Pas-de-Calais, sont champions dans ce domaine de l'hypocrisie.

En tout cas beaucoup de pompiers professionnels sont à bout. Il y a des directives qui réglementent le nombre de pompiers par type de véhicule utilisé ainsi que les moyens matériels et humains à mettre en oeuvre en fonction des risques. Ces règlements ne peuvent plus du tout être appliqués, faute de personnel et faute de moyens. La faiblesse des effectifs oblige souvent à choisir entre sauver les gens ou sauver les murs en cas d'incendie.

Pour les pompiers volontaires, c'est la même chose. Il y a par exemple un manque de harnais pour monter sur les toits. Chaque volontaire doit alors décider, si ce n'est pas son supérieur professionnel qui le fait, s'il ne le fait pas, ou s'il le fait sous sa responsabilité.

Faudra-t-il que la protestation des pompiers s'intensifie encore pour qu'ils soient entendus ? C'est probable. En tout cas ils ont droit au soutien des autres travailleurs, tant en tant que salariés qu'en tant que pompiers, c'est-à-dire membres d'un service public essentiel à la vie de tous.

Les délais d'intervention compromis

Avant la départementalisation, le délai d'intervention à Lille était de 10 minutes, trois quarts d'heure pour Avesnes et Maubeuge. Avec la réforme, l'objectif devenait de 20 minutes partout. C'est la moindre des choses que la situation s'améliore dans les zones éloignées de la métropole lilloise. Mais il est scandaleux que, pour des raisons d'économies, on augmente les risques dans les zones où la population est la plus concentrée et où chaque minute est précieuse pour attaquer les incendies et sauver des vies. Pour réduire les délais, il faudrait embaucher. Les candidats ne manquent pas. Mais les dirigeants de l'Etat, des départements, des régions et des communes refusent de fournir le budget nécessaire.

Pour la zone de Villeneuve-d'Ascq, une commune qui touche Lille, il n'y a que 12 sapeurs-pompiers en service par jour pour 100 000 habitants. Il y a dix véhicules ; pour les sortir tous, il faudrait 28 pompiers, c'est-à-dire 16 de plus.

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