Inde : Catastrophe naturelle, incurie gouvernementale et profits meurtriers02/02/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/02/une-1699.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Inde : Catastrophe naturelle, incurie gouvernementale et profits meurtriers

Le tremblement de terre qui a touché le nord-ouest de l'Inde, le 26 janvier, a été des plus violents. Les secousses ont été ressenties jusqu'au Pakistan et au Népal. Bilan provisoire de cette catastrophe, la plus grave que l'Inde ait connue depuis un demi-siècle : 20 000 à 30 000 morts, des milliers de blessés, des centaines de milliers de sans-abri, des villes et des villages littéralement rayés de la carte.

L'Etat du Gujarat, qui borde la mer d'Oman, l'un des plus industrialisés de la péninsule, a été frappé de plein fouet par le séisme. La destruction des routes et des ponts freine l'arrivée des secours, tandis que l'aide nationale et internationale tarde à se mettre en place. Celle-ci se révèle d'ores et déjà insuffisante eu égard à l'ampleur de la catastrophe. Les moyens matériels manquent pour venir en aide aux victimes. Dans certains quartiers, bénévoles et pompiers volontaires dégagent à mains nues les survivants des décombres. Les populations des villages proches de l'épicentre du séisme, entièrement détruits, se débrouillent avec les moyens du bord et n'ont toujours pas vu le moindre sauveteur. Des hôpitaux de campagne s'installent à même les rues des villes sinistrées. Des centaines de milliers de personnes s'entassent dans des campements de fortune et vivent dehors, de crainte de nouvelles secousses. Manque d'eau, de médicaments et de nourriture laissent présager le pire : le développement des épidémies. Par centaines, les cadavres sont brûlés.

Face à l'ampleur de la catastrophe matérielle et humaine qui touche la région de Gujarat, de nombreuses voix s'élèvent pour condamner le manque de rapidité et la mauvaise organisation des secours, l'incurie des pouvoirs publics incapables de gérer dans l'urgence ce genre de situation, et pour dénoncer la course effrénée au profit des promoteurs immobiliers qui ont construit à tout-va dans la région. Autant de faits qui ont aggravé - et aggravent encore - les conséquences humaines et sociales du tremblement de terre.

Les constructions de ces dernières années dans l'Etat du Gujarat ont été réalisées en dépit du bon sens : immeubles sans fondations ou à trois murs extérieurs (le quatrième étant celui de l'édifice voisin) ; absence d'armatures métalliques, et sable à la place du ciment dans le béton. Ce qui a eu pour conséquence de fragiliser les édifices. A la moindre secousse, le tout s'écroule en quelques secondes comme un château de cartes, prenant au piège la population. A Ahmadabad, par exemple, il n'est pas une construction de moins de trois ans qui ait résisté au tremblement de terre, tandis que les vieilles maisons en bois n'ont presque pas bougé ! Ce ne sont pas les tremblements de terre qui tuent les gens, mais les immeubles , affirmait un pompier volontaire venu porter secours. Les entrepreneurs sont des criminels, c'est la loi du profit qui l'emporte sur la vie humaine, confirmait avec colère un habitant sinistré.

Il existe bien une législation antisismique en Inde sur le papier ! Elle n'est pratiquement jamais appliquée. La corruption endémique qui existe dans la péninsule est l'un des moyens les plus sûrs pour contourner la législation. Elle permet de soudoyer les notables locaux, d'acheter des certificats de complaisance, autorisant ainsi tous les abus en matière de construction. Même si la région du Gujarat où a eu lieu le tremblement de terre n'est pas une région à très haut risque sismique, on sait que le risque existe et qu'il est récurrent sur une grande partie du sous-continent indien, compte tenu de la position géographique de ce dernier.

L'Inde n'est pas, loin s'en faut, l'un des Etats les plus riches de la planète, mais son gouvernement aurait des moyens pour pallier ne serait-ce qu'en partie les conséquences de ce type de catastrophe, lui qui a entretenu pendant des années une guerre coûteuse au Cachemire. Par exemple, en commençant par faire respecter la législation antisismique en matière de construction, en formant la population aux risques et aux premiers secours (comme cela se fait déjà dans d'autres pays), tout en se préparant réellement à intervenir le cas échéant. Cela aurait pu sauver bien des vies humaines, mais c'est là le cadet de ses soucis. Quant aux grandes puissances, elles auraient certainement encore plus de moyens de porter secours rapidement à des populations sinistrées, elles qui entretiennent en permanence de coûteuses armées capables d'intervenir très rapidement en n'importe quel point du monde pour protéger les intérêts impérialistes, en se cachant même parfois derrière des prétextes humanitaires.

Mais quand un tremblement de terre ou une quelconque catastrophe naturelle rendrait indispensable une intervention rapide, nombreuse et efficace, pour de réelles raisons humanitaires, pour sauver vraiment des vies humaines, lesdites puissances - dont la France - se limitent à envoyer des contingents symboliques de quelques dizaines d'hommes en faisant il est vrai un grand bruit pour que cela se sache.

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