PCF : L'Humanité licencie et ouvre son capital aux patrons02/02/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/02/une-1699.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

PCF : L'Humanité licencie et ouvre son capital aux patrons

La direction de L'Humanité vient d'annoncer un plan social de 80 suppressions d'emplois, dont 60 licenciements, sur un effectif de 240 salariés, concernant des journalistes, des cadres et une trentaine d'employés. Le nouveau directeur de L'Humanité a annoncé du même coup le projet de vente du siège du journal à Saint-Denis et le rapatriement de toute l'impression de province à Paris, ce qui suppose que l'on boucle le journal plus tôt, avec comme conséquence qu'il ne puisse plus rendre compte de la dernière actualité. Pour un quotidien, cela constitue un sérieux handicap. Enfin, plusieurs sociétés comme EDF, la Caisse d'Epargne, La Poste, la SNCF mais aussi Lagardère, PDG du groupe Matra-Hachette, entreraient dans le capital de L'Humanité.

La situation financière du journal, a expliqué son nouveau directeur, Patrick le Hyaric, est dramatique. Que cette situation financière soit mauvaise, c'est certainement un fait. Mais il faut craindre que les remèdes préconisés, plutôt que de guérir le malade, ne le terrassent encore plus rapidement. En tout cas en tant que journal militant, à la différence des autres journaux à la pointe de l'actualité sociale, qui serait une aide pour les luttes.

Car le fond de la question n'est pas financier mais politique. Les causes de la crise le sont comme les solutions apportées. En deux ans, L'Humanité a perdu, d'après son directeur, 13 000 lecteurs. Son audience a considérablement reculé en vingt ans. C'est bien entendu lié à la perte d'influence et d'implantation militante du PCF. Mais si L'Huma coule, par contre, Robert Hue se déclare fier de dire que jamais le PCF n'a eu aussi longtemps des ministres au gouvernement. Sauf que jamais le PCF n'a été aussi bas électoralement et en nombre d'adhérents. La politique d'allégeance du Parti Communiste au Parti Socialiste, loin de susciter des vocations militantes, démobilise, décourage l'activité politique, en particulier dans le monde du travail, dans les classes populaires. L'Humanité a non seulement reflété cette évolution mais elle l'a accentuée.

L'originalité de L'Humanité a longtemps résidé dans les articles consacrés aux entreprises, aux luttes, aux victoires et aux revers, souvent rédigés à partir des informations de terrain, grâce aux militants locaux et non aux dépêches de l'AFP. Cette correspondance a pratiquement disparu. Et quand l'actualité dans les entreprises disparaît des colonnes d'un journal militant, c'est ce journal qui ne tarde pas à disparaître des entreprises.

De la même façon, l'objectif du journal d'un parti est d'aider les militants à mieux défendre la politique de celui-ci, de les armer politiquement. L'Humanité tourne le dos à cette perspective. Cela n'a apparemment pas fait remonter les ventes du journal. Mais cela a sûrement un peu plus éloigné des militants qui peuvent se dire ce n'est pas là mon journal.

Alors aujourd'hui, L'Humanité ouvre même son capital à des entreprises publiques ou privées. Que le nom du marchand de canon Lagardère, Pdg de Matra-Hachette, soit cité parmi les futurs actionnaires de L'Humanité, a de quoi surprendre et choquer, mais c'est édifiant. On suppose que les militants communistes ouvriers d'EADS, ex-Aerospatiale qu'il a rachetée, victimes de sa politique antisyndicale, apprécieront qu'avec leur plus-value, leur patron s'achète un droit de regard sur leur journal.

Mais cela ne vaut pas bien mieux pour les entreprises dites publiques qui deviendraient actionnaires du journal. Qui peut croire que les rédacteurs de L'Humanité n'hésiteront pas, avant de passer un article qui pourrait déplaire aux dirigeants de La Poste ou de la SNCF ? Comme bien des journalistes, ils devront savoir jusqu'où ils peuvent aller pour ne pas froisser leurs nouveaux actionnaires.

Au bout de cette évolution, même si L'Humanité se redressait financièrement, il deviendrait un journal comme les autres, c'est-à-dire ne valant pas mieux.

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