Nouveau contrat EDF-Etat : Le mauvais coup d'EDF02/02/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/02/une-1699.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Nouveau contrat EDF-Etat : Le mauvais coup d'EDF

EDF négocie périodiquement avec l'Etat un contrat qui fixe pour plusieurs années la politique, les objectifs, les moyens de l'entreprise nationalisée. Le prochain, baptisé contrat de groupe , d'une durée de trois ans, devra être conclu avant le 1er mars. Ses grandes lignes en sont connues. C'est un véritable mauvais coup contre les usagers d'une part, ainsi que contre les salariés d'EDF en France, et même des autres pays par le biais de sa filiale EDF International.

EDF fait son marché

Actuellement les entreprises qu'EDF a achetées dans les pays étrangers réalisent déjà 18% de son chiffre d'affaires. A ses achats, EDF consacre des sommes énormes : ainsi London Electricity, l'un des fleurons de ces acquisitions, a coûté 13 milliards de francs. Ces sommes sont détournées de la modernisation du réseau en France, qui est fragile et insuffisamment enterré, comme la tempête de fin 1999 l'a montré. En outre la baisse des tarifs d'EDF (14% en quelques années) aurait pu être plus importante. Les conditions de travail ainsi que les salaires des employés pourraient également être améliorés, alors qu'ils se dégradent constamment.

Cet argent qui part dans des opérations d'achats à l'étranger sert-il au moins à y améliorer la situation ? Eh bien pas du tout : EDF rachète ce qui existe, mais n'investit pas, sauf exception. EDF rachète des marchés existants, avec les salariés des compagnies locales. Ces salariés ne sont pas, comme en France, relativement protégés par leur statut, et EDF ne se gêne pas pour les exploiter sans vergogne, ou même les licencier (tout comme le fait Gaz de France d'ailleurs). La société nationale française s'est révélée à l'étranger comme un patron dur et âpre au gain.

Les pseudo-investissements d'EDF à l'étranger, nuisibles pour les usagers et les employés de France et d'ailleurs, ne sont donc utiles que pour les profits d'EDF et maintenant, très probablement, pour ceux des capitaux privés.

L'ouverture au privé

En effet cela fait déjà quelques années que des lobbies capitalistes, relayés par certains politiciens (comme Madelin) et certains organes de presse (comme Le Monde, La Tribune ), réclament soit l'ouverture du capital d'EDF au secteur privé, soit tout au moins l'ouverture d'EDF International.

Eh bien, ils viennent de remporter le morceau . EDF prévoit en effet un développement gigantesque de son secteur étranger, qui devrait atteindre 50% de son chiffre d'affaires, en 4-5 ans (en 2005). Cela va mobiliser des sommes énormes estimées à 190 milliards de francs. Et comme EDF n'a pas suffisamment d'argent (sa dette est de l'ordre de 100 milliards), la société nationale envisage donc de faire appel aux capitaux privés. Ce qui revient à une privatisation partielle d'EDF International.

Evidemment, EDF pourra moins que jamais améliorer comme il conviendrait ses installations en France, et baisser ses tarifs grand public. D'ailleurs EDF a annoncé récemment que c'en était fini de la baisse des tarifs des années précédentes.

En outre, pour obtenir toujours davantage de capitaux, EDF veut améliorer la rentabilité de l'entreprise, c'est-à-dire faire travailler toujours davantage son personnel. Il est également question d'un régime de retraites équilibré , autrement dit d'une remise en cause des retraites actuelles.

Bref, tout ce que rapporte l'exploitation du personnel d'EDF et d'EDF International ainsi que les tarifs envers les petits usagers (car les gros, eux, restent privilégiés) va permettre à EDF de faire son marché à l'étranger. Et encore, EDF va même tenir le panier pour le capital privé...

Et la privatisation d'EDF ?

L'éditorial du Monde du 25 janvier comportait ces lignes : Concurrence ici, conquête ailleurs : tout concourt pour que l'entreprise publique française soit amenée rapidement à devenir une entreprise normale. Et plus loin : Tout cela conduit EDF à suivre le chemin tracé par France Télécom : régler le problème du statut, des retraites.

Evidemment ce genre de campagne, car c'en est une, provoque l'émotion du personnel.

Pourtant, officiellement, il n'est pas question de privatiser EDF, ni même d'ouvrir son capital. Le PDG d'EDF Roussely et le ministre de l'Industrie Chritian Pierret le réaffirment à l'occasion.

En juillet 1998 Pierret parlait de la privatisation, même partielle, que j'exclus absolument . Et Roussely disait en mars 1999 : On peut parler de prises de participation dans les filiales (...) mais nous n'éprouvons aucun besoin au niveau d'EDF aujourd'hui. Et encore, tout dernièrement à Davos, à propos du manque de courant en Californie, ce même Roussely déclarait : Cela ne serait pas arrivé si l'on n'avait pas privatisé l'électricité. La doctrine officielle est donc claire : on ne remet pas en cause EDF pour le moment, et cela en principe, pour la durée du contrat à venir, c'est-à-dire trois ans. Mais on privatise, au moins partiellement, tout autour ! Ainsi Gaz de France (entité aujourd'hui distincte d'EDF) devrait connaître une ouverture du capital au privé et un changement de statut après les élections municipales. La CNR, la Compagnie Nationale du Rhône, est en passe d'être associée au privé (contre, il faut le reconnaître, la volonté d'EDF, qui aurait souhaité récupérer la CNR). Et c'est maintenant le tour d'EDF International.

Après ces ballons d'essai, il ne restera plus qu'EDF, le très gros morceau et trois ans c'est vite passé ! Et la campagne de presse pour y préparer l'opinion ainsi que le personnel, elle, se poursuit.

L'éventuelle privatisation d'EDF serait la victoire du privé sur le secteur public. Mais le public lui-même, c'est-à-dire le personnel et les usagers, auraient sans doute alors leur mot à dire. Et après tout, si le privé s'y prend avec prudence et contourne la difficulté, c'est aussi parce qu'il craint les réactions et qu'il sait qu'il est loin d'avoir gagné la partie.

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