Fonctionnaires : Les raisons de la colère02/02/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/02/une-1699.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Fonctionnaires : Les raisons de la colère

"Les fonctionnaires veulent encore plus" titrait le Figaro dans son édition du 30 janvier, ce quotidien voulant, tout comme les représentants du gouvernement d'ailleurs, faire passer les salariés du public pour trop gouvmants en matière de salaires. Les uns comme les autres veulent les faire passer pour des privilégiés en terme de statut, de rémunérations et de retraite. La réalité est pourtant bien loin de ces affirmations démagogiques.

Aux dires de Sapin, le ministre de tutelle, les fonctionnaires devraient se contenter d'une augmentation de 0,5 % pour l'année 2000. C'est trois fois moins que l'inflation officielle et, surtout, c'est oublier qu'au fil des ans leur pouvoir d'achat n'a cessé de se dégrader. A tel point qu'en juillet dernier, le premier échelon indiciaire s'est retrouvé en dessous du Smic. Quant aux agents administratifs et aux ouvriers d'Etat, ils doivent se contenter d'un salaire tournant entre 5 900 et 6 100 F en début de carrière. Les cadres et les apparentés à la catégorie A de la Fonction publique ne sont pas mieux lotis puisqu'ils ont vu leur salaire d'embauche passer en une dizaine d'années de 1,5 à 1,3 fois le Smic.

Le mythe des privilégiés tombe d'autant plus rapidement que l'on regarde de près les salaires des agents de la Fonction publique. Selon un rapport officiel en effet, 10 % d'entre eux, plus particulièrement parmi les agents administratifs et les agents des services techniques, gagnaient en 1998 un salaire net inférieur à 6 700 F et 48 % gagnaient moins de 9 643 F par mois. Les statistiques de l'Insee vont dans le même sens en établissant que les 1,2 million d'agents des collectivités territoriales gagnent en moyenne 25 % de moins que dans le privé.

Quant aux primes, souvent versées en contrepartie de contraintes liées à la fonction, elles peuvent en partie masquer la faiblesse du traitement de base et surtout éviter au gouvernement d'augmenter directement le salaire de base. De Bérégovoy à Jospin, en passant par Balladur et Juppé, il n'est guère de gouvernement qui n'ait eu recours à ce genre d'artifice. Au point que la part des primes et des indemnités dans les rémunérations est passée de moins de 12 % en 1982 à 20 % aujourd'hui. Et ce système n'est pas sans effet néfaste notamment sur le niveau des retraites, puisque les primes ne sont pas prises en compte pour le calcul de celles-ci. Du coup, il n'est pas rare de voir un agent de l'Etat gagnant plus de 8 000 F par mois partir avec une retraite de seulement 5 700 F.

Quant au mythe de l'emploi stable, il n'a pas plus de fondement car, de plus en plus, les services dépendants de l'Etat, les administrations et les collectivités locales ont recours à des vacataires et aux contrats précaires. Ainsi, toujours officiellement, la Fonction publique compterait 11 000 emplois précaires, auxquels il faut ajouter 350 000 emplois-jeunes.

Quant aux milliers d'embauches programmées pour les années à venir, que les uns mettent en avant pour illustrer le laxisme de l'Etat, les autres pour vanter la politique sociale du gouvernement, elles sont loin de faire le compte pour répondre aux besoins dans les hôpitaux, les écoles ou les services chargés d'entretenir le réseau routier. D'autant que, sans même parler de l'application des 35 heures, il faut mettre en parallèle les 700 000 départs en retraite prévus dans la prochaine décennie.

Alors oui, les salariés de l'Etat et des entreprises assimilées ont bien des raisons de descendre dans la rue pour faire entendre leur ras-le-bol et leur colère car, tout comme les salariés du privé, ils subissent une politique antiouvrière, faite de restrictions en matière de salaires comme d'effectifs. Et il n'y a qu'en inversant le rapport de forces qu'ils pourront y mettre un terme.

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