Le Conseil de l'Europe, la Russie et la Tchétchénie : Cynisme sans fard.02/02/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/02/une-1699.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Le Conseil de l'Europe, la Russie et la Tchétchénie : Cynisme sans fard.

Suspendue récemment de sa participation au Conseil de l'Europe du fait de guerre en Tchétchénie, la Russie vient d'y recouvrer son droit de vote.

La sale guerre que mène le Kremlin serait-elle terminée ? Les méthodes de l'état-major russe se seraient-elles humanisées ? Que non ! Les reporters et organisations humanitaires (ONG, etc.) se trouvant sur place continuent à recenser les exactions en tout genre de la soldatesque russe. Massacres, camps de filtration où la torture est généralisée, civils rançonnés, femmes violées, détournement des rares aides à la reconstruction tout cela revient sous la plume des journalistes et dans les rapports des ONG depuis seize mois que Poutine (alors Premier ministre et pas encore président de la Russie) a lancé la seconde guerre de Tchétchénie.

Les respectables membres du Conseil de l'Europe ne peuvent l'ignorer. Pas plus qu'ils ne l'ignoraient quand, à plusieurs reprises durant cette guerre, ils ont refusé de condamner Poutine et son armée. Et cela même si une telle condamnation n'aurait eu aucun effet, et n'aurait même pas prétendu en avoir.

La presse d'ici a montré du doigt le Conseil de l'Europe, l'accusant de faire fi des droits de l'Homme et de ceux du peuple tchétchène. Il est vrai que sa dernière décision est d'autant plus choquante qu'au moment même où elle blanchissait le Kremlin se tenait à Moscou un Congrès des droits de l'Homme dénonçant cette guerre et le caractère autoritariste du régime de Poutine.

Mais le Conseil de l'Europe n'est pas seul à agir ainsi. Sur le fond il ne fait que copier les institutions et les Etats dits démocratiques qui se soucient fort peu de gêner Poutine dans sa guerre car ils ont, de l'Irak aux Balkans pour ne citer que des exemples récents, bien d'autres Tchétchénies à leur actif. Mais, ses délibérations étant encore moins suivies de conséquences que celles du Parlement européen, voire des Parlements nationaux, le Conseil de l'Europe se sent les coudées d'autant plus franches.

Sous cet angle, la presse se garde d'ailleurs bien de dire à quoi sert ou est censé servir ledit Conseil. Et pour cause : il ne sert à rien sauf à donner quelques sièges à Strasbourg aux représentants des Parlements de tous les pays européens. C'est une sorte de substitut de Parlement européen pour les Etats non membres de l'Union européenne, ce que cette dernière présente comme un lot de consolation . Une consolation sur laquelle crachent d'autant moins ses membres qu'elle confère des avantages sonnants et trébuchants aux heureux élus, d'ailleurs non élus mais désignés par leurs Parlements respectifs pour aller à Strasbourg : les bonnes choses, mieux vaut se les garder pour soi...

Bien que la presse vertueuse d'ici n'ait guère insisté sur la chose, il faut savoir que les députés et sénateurs français casés au Conseil de l'Europe ont brillé par leur absence lors de ce vote sur la Russie. Façon de ne pas s'y opposer tout en pouvant prétendre ensuite ne pas l'avoir approuvé. En toute hyprocrisie.

Mais cela a permis à la quasi-totalité de la presse russe (plus ou moins inféodée à Poutine) de se féliciter bruyamment de ce vote. Celui-ci intervenant au moment même où Poutine privait un représentant russe des droits de l'Homme de son droit de vote au Conseil de l'Europe et confiait à la FSB (nouveau nom du KGB, la police politique du régime) la direction des opérations en Tchétchénie, le pouvoir russe a eu beau jeu d'affirmer que l'Europe y soutenait sa politique.

Bien sûr, les Etats des puissances impérialistes, notamment européennes, le font déjà à leur façon, celle efficace mais hypocrite des diplomates quand les présidents français ou américain répètent qu'il s'agit d'une affaire intérieure russe . Mais cela a l'inconvénient, du point de vue de Poutine, de ne pas pouvoir être utilisé en direction de sa propre opinion publique. Alors que le vote du Conseil de l'Europe sur le dos du peuple tchétchène, c'est pain béni pour lui et son régime.

Finalement, avec son cynisme affiché, ce Conseil de l'Europe ne fait que dire tout haut ce que cherchent à masquer les larmes de crocodile des hommes politiques et dirigeants ouest-européens.

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