Lire : Les jours sombres, de Fey Von Hassell - le destin exceptionnel d'une Allemande antinazie02/02/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/02/une-1699.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

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Née dans une famille très aisée de l'aristocratie allemande, d'un père qui occupa, entre autres fonctions, celle d'ambassadeur d'Allemagne en Italie, Fey von Hassell fut, ainsi qu'elle le raconte dans ses Mémoires, une petite fille vive et choyée. Elle connut les institutions pour jeunes filles de bonnes et riches familles, les bals pour débutantes, une vie dorée sans souci matériel et dans laquelle le petit peuple n'existait que comme domestiques et paysans métayers, fidèles, dévoués et traités avec paternalisme. Et quand, jeune encore, elle se maria avec un bel aristocrate italien que ses parents ne lui avaient pas choisi, ce fut là sa seule révolte , son seul combat victorieux contre les conventions de son milieu !

Dans ce milieu privilégié, lorsque les nazis prirent le pouvoir, on leur sut gré de mettre au pas les communistes, mais leur balourdise fit sourire et leur brutalité irrita. Et puis ils exagéraient en persécutant les Juifs, dont certains étaient charmants, cultivés et appartenaient à de très bonnes familles allemandes ! Voici ce que Fey von Hassell appelle l'anti-nazisme de son père.

Les revers de l'armée allemande sur le front russe, en Libye puis en Italie, convainquirent un groupe d'officiers supérieurs et de notables de la nécessité d'éliminer Hitler afin d'obtenir une paix honorable avec les Alliés et afin d'épargner à l'Allemagne -d'abord à sa classe dirigeante- une défaite désastreuse. Le père de Fey von Hassell, convaincu de conspiration et de complicité dans la préparation de l'attentat manqué du 20 juillet 1944 contre Hitler, fut arrêté, condamné à mort et exécuté. Comme tous les membres des familles des conjurés, elle-même fut incarcérée puis dirigée vers un camp de concentration.

Le monde bascula alors et le cocon doré fut brisé. Fey découvrit ce qu'elle n'avait jamais même imaginé : l'incertitude du lendemain, le manque de nourriture et de chauffage, la promiscuité, les humiliations. Pourtant, détenue avec les membres des familles des conjurés du 20 juillet ainsi qu'avec quelques personnalités de marque comme Léon Blum, ancien Premier ministre du Front populaire en France, le neveu de Molotov, ministre de Staline, ou Fritz Thyssen, le baron allemand de l'acier, le pire de la vie des camps lui fut épargné. Elle survécut et sut témoigner.

Elle fut transférée d'un camp à un autre lorsque les SS fuirent devant l'Armée rouge en emmenant leurs prisonniers. Elle traversa les villes allemandes en flammes, écrasées sous les bombes. Par la lucarne d'un wagon de marchandises, elle aperçut des files de femmes, marchant dans la neige avec leurs enfants, tirant dans des voitures à bras ce qu'elles avaient pu sauver, et tentant de fuir la zone des combats.

Par-delà ses préjugés de caste et les oeillères de son éducation, Fey von Hassell décrit avec beaucoup d'émotion et d'humanité toutes les détresses auxquelles elle a assisté. Elle montre aussi, à l'encontre de ses propres idées parfois, combien le capitalisme générateur de tant de barbarie n'épargne personne, pas même parfois les plus privilégiés.

Les jours sombres, Le destin exceptionnel d'une Allemande antinazie, de Fey von Hassell, Editions J'ai Lu, 413 pages, 48 francs.

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