États-Unis : la grève dans l’automobile, un encouragement pour tous les travailleurs27/09/20232023Journal/medias/journalnumero/images/2023/09/2878.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

États-Unis : la grève dans l’automobile, un encouragement pour tous les travailleurs

Aux États-Unis, la seconde semaine de la grève des ouvriers de l’automobile a été marquée par son extension, décidée par le syndicat UAW, à d’autres sites industriels.

Il ne fait aucun doute que cette grève est populaire parmi les travailleurs, bien au-delà de l’automobile. C’est certainement la raison pour laquelle Biden et Trump, qui s’affronteront probablement lors de l’élection présidentielle de 2024, ont tenu à se rendre chacun à leur tour à Detroit, centre historique de l’industrie automobile, et se proclament les meilleurs amis des travailleurs.

Mais Biden, président en exercice, n’a pas levé le petit doigt pour empêcher General Motors et Stellantis, qui est devenu un des trois grands constructeurs américains en absorbant Chrysler, de licencier des ouvriers dans des usines dont la production est ralentie par la grève.

Aux États-Unis, les entreprises peuvent en effet licencier leurs salariés dès que leurs profits l’exigent, quitte à réembaucher les mêmes travailleurs quelques mois plus tard, mais ceux-ci ayant perdu les avantages liés à leur ancienneté. C’est ce que l’industrie automobile avait fait lors de la grande crise de 2008. Ainsi un cariste, rentré en intérim chez Ford en 2007 à 17 dollars de l’heure, avait réussi à grimper à 25 dollars, avant d’être licencié, puis réembauché en 2012 mais à nouveau à 17 dollars. À présent, gagnant 32 dollars de l’heure, il peut voir à ses côtés de nouveaux embauchés faire le même travail pour seulement 22 dollars. Pendant ce temps, le prix des véhicules que produisent ces ouvriers a augmenté, dépassant largement les 50 000 dollars et les mettant hors de leur portée.

Pour rattraper les pertes salariales accentuées par l’inflation, pour empêcher les patrons de sous-payer les nouveaux embauchés, pour arrêter les suppressions d’emplois, pour revenir sur les concessions en termes de jours de congés, de retraite, d’assurance-maladie que l’UAW a acceptées auparavant, beaucoup d’ouvriers sont prêts aujourd’hui à participer à la grève. Le nouveau président de l’UAW, Shawn Fain, se fait le porte-parole de ces sentiments lorsqu’il adopte un langage combatif au nom des intérêts de la classe ouvrière.

L’UAW n’a pas pour autant décidé d’utiliser toute la force potentielle des ouvriers de l’automobile. Le syndicat a par exemple déclaré que les négociations d’un nouveau contrat de travail collectif avec Ford – qui vient d’ailleurs de conclure un accord avec un syndicat canadien – étaient en bonne voie. Il n’a donc pas étendu la grève chez Ford au-delà de la seule usine de Wayne dans le Michigan.

Par contre le syndicat a augmenté la pression sur General Motors et Stellantis en étendant la grève à 38 nouveaux sites, principalement des entrepôts de pièces détachées. Cela posera plus de problèmes aux concessionnaires, aux garagistes et aux particuliers réparant leur voiture qu’aux firmes automobiles elles-mêmes. Même avec cette extension de la grève, l’UAW n’a appelé à l’action que moins de 20 000 travailleurs sur ses 150 000 adhérents de l’automobile.

En 2019, l’ancienne direction de l’UAW avait mené une grève de quarante jours dans l’ensemble des usines de General Motors, se gardant bien de l’étendre aux deux autres constructeurs historiques même si leurs ouvriers voyaient avec beaucoup de sympathie la lutte gréviste de leurs collègues. Le résultat avait été maigre pour les ouvriers de General Motors, d’où leur détermination cette année. En entamant la grève chez les trois grands constructeurs en même temps, mais en mobilisant peu d’ouvriers, la nouvelle direction de l’UAW n’est pas si différente de l’ancienne et entend bien elle aussi conserver une totale maîtrise de la mobilisation des travailleurs.

Tout en se disant partisan de l’unité des travailleurs, l’UAW les divise entre ceux de Ford et les autres, entre ceux appelés à la grève et ceux que le syndicat condamne à rester l’arme au pied. L’appareil syndical n’organise ni réunion, ni assemblée générale des grévistes, et ceux-ci n’ont pas de contrôle sur leur propre grève. Cela entrave la dynamique de ce qu’il faudrait développer en un vaste mouvement, correspondant vraiment aux aspirations des travailleurs face à l’arrogance des patrons. mais l’avenir n’est pas écrit.

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