Pologne-Ukraine : l’impérialisme et ses “petits” alliés27/09/20232023Journal/medias/journalnumero/images/2023/09/2878.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Pologne-Ukraine : l’impérialisme et ses “petits” alliés

Les relations entre les gouvernements de Varsovie et de Kiev, qui s’étaient brutalement refroidies à propos des exportations agricoles ukrainiennes, se sont encore plus tendues avec l’annonce, par la Pologne, qu’elle ne livrerait plus d’armes à l’Ukraine.

Kiev venait de porter plainte devant l’Organisation mondiale du commerce contre la Pologne, la Hongrie et la Slovaquie qui refusent de lever leur embargo sur les produits agricoles ukrainiens. Quant aux gouvernants polonais et ukrainiens, qui hier disaient parler au nom de « peuples frères » combattant le même ennemi russe, on les a vus du jour au lendemain s’invectiver en public.

Devant l’ONU à New York, Zelensky a dénoncé « les pays (telle la Pologne) qui feignent la solidarité (avec l’Ukraine) en soutenant indirectement la Russie ». Le président polonais Duda, en colère, a alors comparé son « allié » ukrainien à « un noyé qui se raccroche à tout (en risquant) de noyer son sauveteur ». Et d’ajouter qu’il allait consacrer tous ses efforts à développer l’armée polonaise, et non plus à aider celle de Kiev.

Les prochaines élections législatives en Pologne incitent sans doute ses dirigeants ultra-conservateurs à se poser en nationalistes défendant leurs paysans et une armée qu’ils veulent de plus en plus puissante. Mais la démagogie électorale n’explique pas tout. L’État polonais défend ses intérêts, ceux des possédants qu’il représente, pas ceux de l’État ukrainien, ni ceux d’un prétendu camp de la démocratie qui réunirait l’État ukrainien et les États membres de l’OTAN, sous la houlette des grandes puissances impérialistes. La propagande ne peut suffire à faire oublier qu’entre les alliés du camp antirusse, les intérêts des uns et des autres peuvent différer, voire s’opposer. On le constate entre les États-Unis et les pays d’Europe de l’Ouest ; ainsi l’économie de l’Allemagne pâtit plus que d’autres des sanctions contre la Russie, du fait de sa plus grande dépendance au gaz russe. Et cela est vrai aussi pour des pays moins puissants, comme la Pologne.

Tout en appartenant à l’Union européenne, la Pologne a choisi de lier son sort à l’impérialisme américain, d’abord sur le plan militaire et commercial. Quand Duda et son Premier ministre disent donner la priorité à l’armée polonaise, ils décrivent une réalité qui ne date pas d’hier, même si cette guerre lui a donné plus de poids. D’une part, ils justifient des commandes militaires dont les États-Unis sont les seuls pourvoyeurs. Leur volume est énorme : ces derniers mois, 486 lance-roquettes Himars, 96 hélicoptères Apache, 32 chasseurs furtifs F-35, et aussi 366 chars Abrams… à comparer avec les 30 promis à Kiev par Washington, voire avec les 200 chars Leclerc de l’armée française !

Varsovie dit vouloir se doter de l’armée conventionnelle la plus importante du continent. Elle y consacre 4 % de son produit intérieur brut, soit proportionnellement deux fois plus que la France, pour arriver d’ici quelques années à un effectif de 300 000 hommes pour son armée de terre, dans un pays de quarante millions d’habitants, alors que la France en compte 200 000, toutes armes confondues.

Bien moins riche que l’Allemagne ou la France, la Pologne se trouve en pointe dans la course aux armements dans laquelle s’est engagé le monde. Les États-Unis en sont les grands bénéficiaires dans le cas de la Pologne. Et ce n’est pas sans rapport avec le fait qu’elle a, tout en refusant le feu vert donné par l’Union européenne aux produits agricoles ukrainiens, publiquement haussé le ton contre le protégé ukrainien de l’Occident.

L’impérialisme, notamment américain, soutient Kiev contre Moscou, mais les modalités de ce soutien échappent à Kiev. Zelensky peut exiger toujours plus d’armes devant les caméras, ce n’est pas lui qui décide et Kiev reste un pion de la politique de l’impérialisme. Le président et le Premier ministre polonais n’ont fait que rappeler, avec brutalité, ce que des officiels américains laissent régulièrement entendre de façon plus diplomatique.

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