Soudan du Sud : La guerre civile et les responsabilités des dirigeants des USA14/05/20142014Journal/medias/journalnumero/images/2014/05/une2389.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Soudan du Sud : La guerre civile et les responsabilités des dirigeants des USA

Au Soudan du Sud, une guerre civile sanglante oppose depuis cinq mois le clan du président Salva Kiir et celui de l'ex-vice-président Riek Machar. Leurs hommes se sont affrontés en décembre dernier au sein des forces armées et depuis, les tueries succèdent aux tueries. Les 15 et 16 avril, plusieurs centaines de personnes ont ainsi péri lorsque les milices de Riek Machar sont entrées dans la ville de Bentiu. Quelques jours plus tard, les bandes de Salva Kiir prenaient d'assaut la base des Nations unies où étaient réfugiées 5 000 personnes, faisant 58 morts et de nombreux blessés. Le secrétaire d'État américain John Kerry s'est déplacé à Addis Abeba, la capitale éthiopienne, où se tiennent des pourparlers entre les deux camps, et y a dénoncé les « risques de génocide ». Cette situation dramatique est pourtant l'aboutissement de la politique menée par les USA.

La création du Soudan du Sud en juillet 2011 a été le résultat d'une longue rébellion contre l'État central soudanais dans laquelle les USA ont soutenu militairement la SPLA, l'organisation armée qui dirigeait la lutte pour l'indépendance du Sud. Le principal chef de ce mouvement, John Garang, un ex-colonel de l'armée soudanaise pris en main par les services secrets américains, avait suivi une formation militaire aux USA. L'Ouganda, allié régional des USA, assurait sa base arrière par où transitaient les armes. Les dirigeants de la SPLA ont utilisé vis-à-vis de la population des méthodes aussi sanglantes que celles des troupes soudanaises qu'ils combattaient. Il s'agissait en fait d'une coalition de chefs de guerre, recrutant leur propre armée sur des bases régionales et se livrant déjà entre eux à des conflits qui préfiguraient les affrontements actuels. Riek Machar s'était ainsi opposé à John Garang et à Salva Kiir et avait même rallié le régime soudanais, mobilisant dans cette sécession les populations Nuers, dont il était issu, contre les Dinkas. Ces rivalités ethniques cultivées par les chefs de guerre, venant après celles attisées par l'ancien colonisateur britannique, éclatent une fois de plus aujourd'hui.

Les dirigeants des États-Unis ont porté ces hommes au pouvoir en toute connaissance de cause, en souhaitant favoriser l'affaiblissement du régime soudanais qui leur était hostile. D'autre part, l'immense majorité des champs de pétrole se trouvant au Sud, les dirigeants américains pouvaient espérer qu'une fois à la tête d'un État indépendant les chefs rebelles sauraient se montrer reconnaissants. Ils ont donc soutenu de toutes leurs forces la partition du Soudan, à l'ONU comme sur le terrain. Les bandes armées des chefs de guerre ont alors fusionné dans une armée qui n'avait de nationale que le nom. La population n'eut pas davantage de routes, d'hôpitaux ou de médecins, mais ses nouveaux dirigeants purent mettre la main sur la rente provenant de l'exploitation du pétrole et du détournement de l'aide humanitaire. C'est pour ce pactole que les mêmes s'affrontent aujourd'hui, jettent les populations les unes contre les autres, leur faisant vivre un enfer. Un tiers de la population ne vit que de l'assistance humanitaire, des centaines de milliers de personnes ont été déplacées et beaucoup survivent dans les enceintes précaires des camps des Nations unies.

Si un génocide menace aujourd'hui, comme le dit John Kerry, la politique des États-Unis au Soudan depuis des décennies a une grande part de responsabilité.

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