STX/Chantiers de l'Atlantique – Saint-Nazaire : Une commande de paquebot annoncée, mais des effectifs en peau de chagrin14/05/20142014Journal/medias/journalnumero/images/2014/05/une2389.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

STX/Chantiers de l'Atlantique – Saint-Nazaire : Une commande de paquebot annoncée, mais des effectifs en peau de chagrin

Vendredi 9 mai, les travailleurs des Chantiers ont appris la prise de commande d'un nouveau paquebot géant. La direction de STX en a profité pour s'autoféliciter de ce qui, d'après elle, garantit l'emploi sur le site pour plus de quatre ans.

Pour les travailleurs, habitués aux promesses mensongères de leurs patrons, cette annonce est cependant loin de garantir quoi que ce soit. Car des périodes de charges de travail bien plus élevées que celle annoncée n'ont pas empêché une baisse continue des effectifs.

Pour les salariés de STX, depuis dix ans, les départs non remplacés des travailleurs exposés à l'amiante, les licenciements des travailleurs usés devenus « inaptes », la multiplication des licenciements disciplinaires ainsi qu'un plan de départs volontaires ont ramené les effectifs de plus de 5 000 à moins de 3 000.

Quant aux milliers de travailleurs intérimaires et sous-traitants dont le gagne-pain était jusqu'à ces dernières années presque exclusivement lié à leur travail aux Chantiers navals de Saint-Nazaire, leur situation est devenue catastrophique. Encaissant de plein fouet le moindre creux de la charge de travail, la reprise de la production ne signifie même plus retrouver (ou garder) leur emploi. Et ce ne sont pas les maigres investissements dans un outil de travail tout juste entretenu, et encore moins les méthodes de travail n'ayant pas connu d'améliorations qui peuvent expliquer ces emplois en moins.

Au fil des années, la direction des Chantiers de Saint-Nazaire (Alstom, puis Aker-Yards, puis STX) a mis en place un système qu'elle a elle-même appelé « montage exotique ». Se mettant prudemment à l'abri d'éventuels dérapages pouvant impliquer des poursuites judiciaires, elle est parvenue à imposer aux patrons sous-traitants le recours massif à des travailleurs détachés provenant principalement de l'est et du sud de l'Europe.

Aux débuts des années 2000, plusieurs scandales ont éclaté révélant les conditions honteuses d'hébergement de travailleurs détachés, mais aussi le non-paiement de leurs salaires. C'est par leurs luttes déterminées que ces travailleurs (soutenus par la CGT) ont le plus souvent réussi à obtenir gain de cause. De son côté, l'inspection du travail a dressé à plusieurs reprises des procès-verbaux d'infractions importantes au Code du travail. Si de rares intermédiaires peu prudents ont été condamnés à régulariser des salaires, la plupart d'entre eux ont pu échapper aux poursuites. Quant aux véritables responsables, les donneurs d'ordres, ils n'ont jamais été véritablement inquiétés.

Avec le temps, la direction des Chantiers est parvenue à sélectionner des intermédiaires plus présentables et mieux documentés sur les meilleures manières de s'accommoder de la législation française du travail. C'est ainsi que le tarif des travaux confiés aux entreprises sous-traitantes est fixé en intégrant le montant très bas des cotisations sociales des travailleurs détachés. Mais il compte aussi sur le fait que l'obligation de fournir des fiches de paie au moins égales au smic mensuel s'accompagne de la quasi-absence de moyens pour vérifier le nombre d'heures réellement travaillées... Quant à la question des cadences et des conditions de travail, tout problème de santé, toute protestation les remettant en cause se traduisent par un rapatriement immédiat.

Ainsi, en 2012, plus de la moitié des 3 000 travailleurs sous-traitants du site étaient des travailleurs détachés. 2013 a été marquée par un important creux de charge et du chômage massif. Mais pour les travailleurs détachés, cela n'apparaît dans aucune statistique en France puisqu'ils sont tout simplement renvoyés chez eux.

La reprise importante de la production amorcée depuis le deuxième trimestre 2014 est marquée par une mise en concurrence accrue entre les ouvriers et techniciens d'études travaillant habituellement sur le site et les travailleurs détachés. Ceux-ci constituent maintenant une véritable armée de réserve de travailleurs sous-payés, réquisitionnable aussi rapidement qu'elle est renvoyable, qui se substitue de plus en plus aux travailleurs dont c'était l'activité régulière et qui tire vers le bas les salaires et les conditions de travail de tous.

La reprise importante de la production annoncée pour les années à venir fournit une occasion d'y remédier en imposant, pas des luttes communes à tous les travailleurs, un statut unique aux meilleures conditions pour tous.

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