Argentine : Mort du général Videla – la fin d'un salaud galonné22/05/20132013Journal/medias/journalnumero/images/2013/05/une2338.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Argentine : Mort du général Videla – la fin d'un salaud galonné

Le général argentin Videla, principal chef de la junte militaire qui s'était emparée du pouvoir en 1976 et exerça contre la population ouvrière et la jeunesse militante une répression violente jusqu'en 1983, est mort à 87 ans. Depuis peu, il purgeait une peine de prison à perpétuité.

Cette dictature a entraîné la mort de 30 000 personnes. Si la plupart des pays d'Amérique latine, Brésil, Uruguay, Bolivie, Chili, Paraguay et Argentine, ont été marqués, de 1964 à 1985, par des dictatures souvent sanglantes, celle de Videla fut la plus féroce.

C'est d'ailleurs de lui que vient l'expression de « disparus » pour nommer ses victimes. En 1979, il l'avait expliqué à un journaliste : « Un disparu ne peut recevoir de traitement spécial, c'est une inconnue, il n'a pas d'entité, il n'est ni vivant ni mort, il a disparu. »

C'était d'un cynisme complet. Car il savait parfaitement quel traitement sa dictature imposait à ses adversaires, en tête les ouvriers militants et les jeunes en révolte contre la société. Il en était d'autant plus conscient que lui-même était le responsable d'un des deux principaux camps d'extermination de la capitale argentine. Le plus connu est l'Esma, une école militaire de la marine dirigée par un autre tortionnaire, l'amiral Massera. L'autre était Campo de Mayo, un camp militaire de l'infanterie dont Videla était le dirigeant. Dans chacun des deux camps, jusqu'à cinq mille opposants ont été détenus et bien peu ont échappé à la torture et à la mort.

Videla a toujours été très fier de la mission que lui et l'armée remplissaient au service des possédants. Les ouvriers, depuis 1969, avaient multiplié les soulèvements et la jeunesse était radicalisée comme c'était le cas partout dans les années 1960-1970, et il s'agissait de briser ces forces.

Cette politique, soutenue par la hiérarchie catholique, reçut aussi le soutien des États-Unis et même de l'armée française puisque des officiers français ayant participé à la bataille d'Alger en 1957, ayant torturé et réprimé les nationalistes algériens, vinrent donner des cours de répression aux cadres des armées des États-Unis et d'Amérique latine.

La dictature militaire mena une politique économique voisine de celle de Pinochet, en démantelant les entreprises nationales pour ouvrir le marché argentin aux multinationales impérialistes. Mais en 1983, l'échec de la junte dans la guerre des Malouines contre la Grande-Bretagne entraîna sa chute.

Les responsables de la dictature, en tête Videla, se retrouvèrent dans le box d'une série de procès. Les condamnations des années quatre-vingt furent annulées par des gouvernements civils soucieux de ménager l'armée. Mais d'autres crimes revinrent à la surface, déclenchant de nouveaux procès, notamment pour les vols de bébés d'opposantes enceintes. Enfin, les lois d'amnistie furent levées et les procès de militaires n'ont pas cessé depuis.

À chacun de ses procès, Videla se montra toujours très fier d'avoir mené la lutte contre la subversion. C'est lui aussi qui traita de « folles », les mères de militants qui eurent le courage de manifester sous la dictature pour exiger des nouvelles de leurs enfants. Et c'est lui encore qui expliqua, à propos des vols de bébés, que les militantes enceintes utilisaient leurs enfants comme boucliers humains.

Au pouvoir ou pas, Videla aura été jusqu'au bout un soudard sans scrupules de l'ordre bourgeois. S'il avait fallu pour cela continuer tortures et massacres, ce général qui s'affichait comme un bon catholique pratiquant l'aurait fait sans aucun remords. Un ministre de Videla n'avait-il pas déclaré : « Nous n'avons de comptes à rendre qu'à Dieu ».

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