- Accueil
- Lutte ouvrière n°2338
- Nathalie Arthaud, dimanche 19 mai 2013 (extraits) : Il faut inverser le rapport des forces
La Fête de Lutte Ouvrière
Nathalie Arthaud, dimanche 19 mai 2013 (extraits) : Il faut inverser le rapport des forces
(...) En tant que communistes révolutionnaires, nous avons la ferme conviction que les travailleurs, les exploités, sont capables de diriger, démocratiquement, la société ! Infiniment mieux en tout cas que le grand capital, la bourgeoisie et leurs serviteurs politiques. Eh bien nous pensons, à plus forte raison, que les travailleurs sont capables de diriger eux-mêmes, démocratiquement, leurs propres luttes ! Alors oui, ce sera aux travailleurs eux-mêmes d'impulser leurs luttes, de les organiser et de les diriger ! Ils en ont la capacité et lorsqu'ils en ont la volonté, tout devient possible.
Cela fait des années qu'il n'y a pas eu de grandes luttes collectives. Mais il y a toujours ici et là, des luttes, des grèves, des manifestations. Ces luttes sont d'autant plus difficiles qu'elles sont isolées, menées entreprise par entreprise. Ce sont des luttes où les travailleurs se retrouvent à se battre dos au mur, mais ils se battent quand même ! Ils se battent parce qu'ils veulent dire non ! Parce que s'il y a une chose qu'ils peuvent préserver, c'est leur conscience et leur dignité !
J'en profite ici pour rendre hommage aux ouvriers de l'usine PSA d'Aulnay qui ont fait grève pendant quatre mois. Pendant leurs quatre mois de grève, ils ont eu face à eux la famille Peugeot, une des familles bourgeoises les plus riches et les plus rapaces du pays, et ils ont montré qu'ils pouvaient lui tenir tête.
Ils n'ont pas réussi à empêcher la fermeture d'Aulnay mais, déterminés et organisés comme ils l'étaient, ils ont arraché à la direction des garanties qu'ils n'auraient pas eues sans la grève. Et au-delà de ce qu'ils ont obtenu, ils ont gagné le respect de bien des travailleurs et ils ont montré le chemin à suivre.
Alors oui, ils peuvent être fiers car ils ont représenté la combativité de la classe ouvrière, la dignité des travailleurs et la conscience de classe, ce qu'il y a de plus précieux pour les travailleurs !
Pour un parti de classe des travailleurs
(...) Bien des travailleurs sont écoeurés par les dirigeants politiques et ils le montrent par l'abstention aux élections, et cela se comprend. Si la gauche et la droite n'ont pas tout à fait le même langage, une fois au gouvernement elles mènent la même politique favorable au grand patronat. (...)
La bourgeoisie n'a que faire de l'abstention des classes populaires. Ce qui commencerait à lui poser problème, c'est que s'impose sur la scène politique une force qui incarne les intérêts des travailleurs et exclusivement leurs intérêts.
Il faut un parti qui oppose à la politique de classe de la bourgeoisie la politique de classe des travailleurs. Ce parti est indispensable pour défendre au quotidien les intérêts des travailleurs. Il est indispensable pour donner à la classe ouvrière l'instrument pour accomplir sa tâche historique, celle de renverser la domination de la bourgeoisie et de la remplacer par un gouvernement des travailleurs pour les travailleurs. (...)
Oui nous sommes communistes, communistes dans le vrai sens du terme, avec cette conviction que l'on peut débarrasser la société de la dictature de l'argent et des crises. Oui l'avenir de l'humanité c'est une société sans le marché, sans la loi aveugle du profit, sans la concurrence et sans exploitation, et nous sommes convaincus que c'est la classe ouvrière qui en sera le moteur ! Même pour mener les combats quotidiens des travailleurs, et surtout pour les mener à la victoire, il faut avoir confiance dans la classe ouvrière.
La droite à l'offensive
(...) La situation change. Et pour l'instant elle change en faveur de la droite. Les manifestations contre le mariage homosexuel lui ont permis de se renforcer. Les manifestants se sont certes cantonnés à dénoncer le mariage homosexuel et la filiation au nom de leurs valeurs conservatrices mais c'est un terrain de recrutement, un terrain d'entraînement pour des courants d'extrême droite profondément antiouvriers, antigrèves, antisyndicats. Ils sont politiquement et socialement des ennemis des travailleurs et c'est ceux-là qui sont aujourd'hui renforcés par l'arrivée de la gauche au pouvoir.
Parmi eux, il y a le Front national, dont on voit que l'influence grandit, y compris dans l'électorat populaire. Comme tout démagogue, Le Pen sert aux uns et aux autres le discours qu'ils veulent entendre. Il y en a pour les catholiques, pour les racistes, et il y en a aussi de plus en plus pour les chômeurs, pour les ouvriers et pour les retraités.
Mais derrière ces oeillades aux classes populaires, Le Pen prépare un régime autoritaire antiouvrier. Dans bien des pays d'Europe, sans être au gouvernement, ses amis d'extrême droite pèsent déjà sur la politique des gouvernements pour une politique plus autoritaire, toujours plus dure contre les chômeurs et les pauvres.
Un des principaux arguments du Front national est qu'il n'a jamais été au pouvoir, qu'il ne s'est jamais compromis, contrairement aux grands partis qui alternent au gouvernement. Certes, Marine Le Pen n'a jamais été au pouvoir, son père non plus, mais des gens de leur acabit, l'Europe en a connus, du Portugal de Salazar à la Grèce des colonels en passant par l'Espagne de Franco. Voilà les modèles pour l'extrême droite, voilà le régime qu'elle voudrait imposer.
Certaines des bandes d'extrême droite qui s'agitent dans l'ombre du Front national prennent même leurs références chez Mussolini et Hitler. Les régimes fascistes de Mussolini ou de Hitler, avant d'être des dictatures brutales qui détruisaient les organisations ouvrières et assassinaient les militants ouvriers, se disaient « national-socialistes », ils dénonçaient « le capitalisme financier », ils prétendaient combattre le chômage et donner un travail à tout le monde. Sauf que leur monde à eux excluait les Juifs, les Tsiganes, les homosexuels, les Noirs, et bien entendu les communistes ! Même s'il reste pour le moment sur le terrain électoral, la perspective politique du Front national est un régime de ce genre.
Il n'y a pas encore en France de milices armées qui font leur loi sur la population, mais il y en a en Hongrie et en Grèce. Même en France, on peut déjà voir agir le matériau humain qui pourra les constituer. On les a vus, en marge des manifestations contre le mariage pour tous, s'en prendre aux homosexuels. Demain, ils pourraient s'en prendre aux Roms et aux travailleurs immigrés comme en Grèce.
Quand Le Pen s'attaque verbalement aux travailleurs immigrés, ce ne sont pour l'instant que des mots, mais demain son parti ou d'autres de la même espèce passeront aux actes. Ils commenceront peut-être par s'en prendre aux travailleurs sans papiers, mais ceux avec papiers suivront, et ensuite ce sera le tour à des Français qui auront le défaut d'être syndiqués ou de gauche.
La perspective politique de l'extrême droite est de s'attaquer au mouvement ouvrier, de limiter ou d'interdire les grèves, d'éliminer toute conscience de classe et, à plus forte raison, toutes les idées communistes. Le Pen fait des appels du pied à l'électorat populaire et même aux chômeurs, aux salariés, mais elle creuse la tombe des classes exploitées.
Oui, une course de vitesse est engagée de fait entre les travailleurs conscients et l'extrême droite antiouvrière. Et il se peut que les travailleurs soient amenés à se battre sur le terrain politique en même temps qu'ils se battent pour défendre leurs conditions d'existence, leur emploi, leur salaire.
C'est en menant leurs luttes sur le terrain de classe, que les travailleurs prendront conscience à quel point leurs intérêts matériels et leurs intérêts politiques sont intimement liés et qu'ils apprendront à faire le tri entre leurs ennemis, leurs faux amis et leurs amis.
Les travailleurs deviendront une force politique capable de peser quand ils opposeront à « l'union nationale » et au poison de la « préférence nationale », la préférence de classe. Quand ils diront : les exploités d'abord ! Quand ils se battront pour les travailleurs d'abord ! Quand ils se battront pour leur emploi, pour leur salaire et surtout pour le contrôle des exploités sur les entreprises, sur les banques, afin que les décisions économiques cessent d'être le monopole d'une minorité de riches parasites !
Mélenchon, marchand d'illusions
Le discrédit de Hollande renforce la droite et l'extrême droite, mais il provoque aussi du mécontentement parmi les électeurs habituels du Parti socialiste. Ils ont tendance à se regrouper autour de Mélenchon et du Front de gauche.
Au Front de gauche, la direction du PC et Mélenchon n'ont pas la même stratégie électorale, en particulier dans les municipales, mais ils ont fondamentalement la même politique et la même préoccupation d'attirer les « déçus du socialisme » et de représenter l'alternative à gauche.
Après avoir aidé dans le passé Mitterrand à se donner une image d'homme de gauche, la direction du PC amène la force militante et le crédit qui lui restent de son passé de parti ouvrier à Mélenchon. Il aide ainsi l'ancien sénateur et ministre socialiste à se donner une allure de révolutionnaire du verbe et d'ami des travailleurs.
La sauce de Mélenchon est un drôle de mélange, qui concilie la prise de la Bastille avec une candidature au poste de Premier ministre.
Après Hollande, c'est lui qui nous explique maintenant qu'il est possible d'avoir un « bon » gouvernement de gauche, qu'il est possible d'en faire ravaler aux plus riches et de concilier les intérêts des travailleurs et de la bourgeoisie. Le croire serait aller d'illusions en illusions ! Quand bien même Mélenchon serait Premier ministre, il serait non seulement sous l'autorité de Hollande, mais surtout à la tête d'un appareil d'État entièrement construit pour servir les intérêts de la bourgeoisie. (...) Un gouvernement Mélenchon devra, comme n'importe quel autre gouvernement sous la domination sociale de la bourgeoisie, obéir à la classe riche. Dans cette période de crise, cela le mettra dans l'obligation de faire une politique antiouvrière. (...)
À tous ceux qui sont convaincus par nos idées mais qui regrettent que nous ayons moins d'influence que Mélenchon, nous disons : rejoignez-nous ! Car s'il y a bien des choses que nous ne pouvons pas faire, il y en a toujours une que nous pouvons faire : dire ce que nous pensons, affirmer notre politique communiste révolutionnaire, faire vivre nos idées et préparer l'avenir. (...)