Aciéries Aubert et Duval – Les Ancizes (Puy-de-Dôme) : L'amiante tue encore22/05/20132013Journal/medias/journalnumero/images/2013/05/une2338.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Aciéries Aubert et Duval – Les Ancizes (Puy-de-Dôme) : L'amiante tue encore

Le 8 mai la cour administrative d'appel de Lyon a classé l'usine Aubert et Duval en site amianté, ce qui revient à reconnaître que, pendant des années, la vie des ouvriers a été mise en danger.

C'est une victoire pour les salariés et la CGT qui se battaient depuis une dizaine d'années pour obtenir ce classement. Cette décision exécutoire va permettre aux ouvriers qui ont été exposés à l'amiante de pouvoir partir en retraite anticipée.

C'est au cours de l'été 2004 qu'a éclaté le scandale. Suite à plusieurs décès et des cas de maladies caractéristiques de l'amiante, 500 travailleurs sur les 1 400 décidèrent de passer un scanner à leurs frais. Il s'avéra alors que plus d'une centaine d'entre eux étaient atteints, avec des plaques pleurales et des problèmes respiratoires. Il y a eu déjà 18 décès par mésotéliomes et cancers broncho-pulmonaires. Selon la présidente du CAPER (Comité amiante prévenir et réparer), « Aubert et Duval détient le record de France en terme de victimes de l'amiante ».

Cette usine est une filiale d'Eramet, l'un des leaders mondiaux dans la production d'aciers spéciaux et d'alliages pour l'aéronautique. C'est le deuxième employeur industriel du Puy-de-Dôme.

Face à ce puissant groupe industriel, les ouvriers ont dû batailler pendant dix ans sur le plan judiciaire pour faire reconnaître le droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) et pouvoir partir en retraite anticipée. Ils se sont heurtés à la direction d'Aubert et Duval, laquelle a multiplié les embûches en contestant tout. Elle a même fait un procès à la Caisse primaire d'assurance maladie pour contester un décès dû à l'amiante. Elle prétend aussi que l'usine n'utilise plus d'amiante depuis 1992 et que peu de personnel a été exposé. Pourtant le site n'est toujours pas totalement désamianté, notamment ses hectares de toitures qui libèrent des poussières d'amiante. La direction ose prétendre que la décision de la cour d'appel est « suicidaire », que cela « va décapiter l'entreprise » et « donner des ouvertures de marchés à [ses] concurrents étrangers ». Elle a déposé un recours auprès du Conseil d'État pour obtenir un sursis à l'exécution de ce jugement.

Les ouvriers ont affronté l'appareil judiciaire : un par un, au cas par cas, par de longues démarches, ils ont réussi à faire admettre les causes de leur maladie : l'amiante. Mais aucune décision judiciaire n'a encore obligé jusque-là l'État à appliquer vraiment le jugement de la cour d'appel, c'est-à-dire à classer cette usine en site amianté.

Pour compenser une réduction possible de leur espérance de vie, les ouvriers concernés ont « gagné » le droit à un départ anticipé : chaque période de trois ans d'exposition à l'amiante leur vaut un an de départ anticipé. Ils pourront toucher 65 % de leur rémunération brute, ce qui n'est pas cher payé. Ce sont ces quelques droits-là qu'ont contestés et que contestent encore le trust Eramet et l'un de ses principaux actionnaires, George Duval, vingt-deuxième fortune de France, qui ont bâti leur richesse avec la peau des ouvriers.

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