Sommet de la zone euro : Les banquiers vrais maîtres du jeu02/11/20112011Journal/medias/journalnumero/images/2011/11/une2257.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Sommet de la zone euro : Les banquiers vrais maîtres du jeu

La rencontre des chefs d'État des 17 pays de la zone euro, le 26 octobre à Bruxelles, avait été présentée comme la réunion de la dernière chance. Il s'agissait officiellement d'enrayer la spéculation qui s'attaque aux États européens les plus endettés et les plus frappés par la crise économique : la Grèce au premier chef, le Portugal, et de plus en plus l'Espagne et surtout l'Italie.

Mais il s'agissait surtout de sauver la mise des banques européennes, elles-mêmes affaiblies et attaquées en raison de l'importance des créances qu'elles détiennent sur ces États.

L'abandon par les banques de 50 % de leurs créances sur l'État grec aurait donné lieu, selon la presse, à une véritable partie de bras de fer entre les représentants des banques d'un côté, Sarkozy, Merkel, Van Rompuy, le président du Conseil européen, et Christine Lagarde de l'autre. C'est donner à ces derniers le beau rôle. Car ce sont les banquiers qui ont mené le jeu. En acceptant d'annuler une partie de leurs créances, ils n'ont fait que reconnaître officiellement ce que tout le monde savait : autrement dit, que l'État grec était de toute façon incapable d'honorer le remboursement de la totalité de sa dette, et qu'il valait mieux pour eux en abandonner une partie plutôt que de risquer de tout perdre. Cela fait longtemps d'ailleurs que, sur le marché secondaire des obligations -- donc dans les coffres des banques --, celles de l'État grec avaient perdu 50 % voire même 60 % de leur valeur !

Les banquiers n'ont donc fait qu'appliquer la vérité des prix du marché ! En contrepartie, ils ont obtenu la promesse que le Fonds de stabilité de la zone euro (FESF) leur garantirait le remboursement des 50 % de créances restantes, à hauteur de 30 milliards d'euros. Ils pourront donc continuer à encaisser les intérêts, avec en plus une garantie de pouvoir récupérer leur capital. Le cadeau est donc aux banquiers, et pas à l'État grec.

D'autant plus que les participants au sommet de Bruxelles ont aussi décidé d'accroître la puissance de feu de ce FESF. Créé en mai 2010 pour soutenir les États européens en difficulté, et surtout leurs créanciers, doté actuellement d'une capacité de prêt de 440 milliards, il devrait pouvoir mobiliser à terme de l'ordre de mille milliards d'euros grâce, d'une part, à des garanties apportées par les États sur les émissions d'obligations souveraines, d'autre part à la création d'un fonds spécial, faisant appel à des investisseurs extérieurs à l'Europe, privés et publics. C'est dans ce cadre que des négociations seraient engagées avec la Chine et la Russie, qui se seraient déclarées prêtes à participer à un tel fonds de soutien.

Enfin, pour redorer leur blason aux yeux des « investisseurs » et des marchés financiers, les dirigeants européens ont invité les banques européennes à renforcer leurs fonds propres de 106 milliards d'euros au total d'ici au 30 juin 2012. Pour ce faire, elles devront avoir recours en priorité à des capitaux privés et réduire les dividendes et les bonus qu'elles versent... avant de se tourner, si cela ne suffit pas, vers les États. Ce qui est une façon de rappeler que les États restent de toute façon, quoi qu'il arrive, l'ultime recours des banquiers.

Les trois banques françaises concernées -- BNP Paribas, Société générale et BPCE -- devront accroître leurs fonds propres de 8,8 milliards d'euros. « Si jamais il y avait besoin, ce dont je doute, on pourrait effectivement faire appel à nos actionnaires. En tout cas, nous ne demandons pas d'argent public », a déclaré Frédéric Oudéa, PDG de la Société générale et président de la Fédération bancaire française. Il a par contre exclu de ne plus verser de dividendes à ses actionnaires ou des bonus seulement « modérés et raisonnables ».

À l'issue du sommet européen, Sarkozy et les chefs d'État européens ont crié victoire. La Grèce, l'euro, le monde avaient, grâce à eux, évité le pire. Un accord avait été possible : la crise était surmontée.

Mais après un jour d'euphorie, le cours des actions a plongé à nouveau dans les principales Bourses, entre autres avec l'annonce du référendum en Grèce. La crise de la dette n'est évidemment pas finie, ni la spéculation forcenée qui en est la cause. Jusqu'au prochain sommet, qui garantira une fois de plus aux banquiers spéculateurs qu'ils pourront avoir le beurre et l'argent du beurre.

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