Espagne : Le mouvement des « Indignés » L'apolitisme, un choix politique qui mène à l'impasse27/07/20112011Journal/medias/journalnumero/images/2011/07/une2243.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Espagne : Le mouvement des « Indignés » L'apolitisme, un choix politique qui mène à l'impasse

Dimanche 24 juillet, ce sont sans doute quelque trente mille personnes, venues de différentes régions d'Espagne, qui se sont retrouvées dans les rues, les places, les avenues de Madrid pour défiler derrière les banderoles du Mouvement du 15 Mai, autrement dit le mouvement des « Indignés ».

C'est la preuve que ce mouvement continue, même pendant l'été. Au cours des deux derniers mois, il a fait descendre des millions de jeunes et de moins jeunes dans la rue, il a organisé des occupations prolongées de grandes places dans de nombreuses villes afin de protester contre la régression sociale, la corruption des politiques, la toute-puissance de banques échappant à tout contrôle, l'absence d'avenir pour une jeunesse massivement au chômage. Et aujourd'hui il montre sa vitalité.

Malheureusement, ceux qui l'impulsent n'ont visiblement pas le souci de donner aux classes populaires une perspective pour changer réellement les choses et prendre en main les rênes de la société. C'est là un choix de leur part. Un choix politique qu'ils font au nom d'un apolitisme présenté par les leaders de fait du mouvement comme la seule façon d'en garantir l'unité.

« Le peuple uni ne sera jamais vaincu », entend-on souvent dans les cortèges. Mais derrière le terme « uni », il y a l'idée qu'il ne faut pas faire apparaître les différences d'idées, les différentes conceptions politiques, les intérêts de classe. Comme si la discussion, les débats affaiblissaient ceux qui contestent les injustices et veulent changer la société. Et gare à qui sort le drapeau rouge, ou même le drapeau républicain. Gare à qui se dit communiste ou anarchiste ou arbore ouvertement une étiquette politique ou syndicale. Dans ce que les inspirateurs du mouvement appellent la « vraie démocratie », il n'y aurait d'après eux pas de place pour la notion de classe sociale. Et plus les semaines passent, plus on se limite à parler de féminisme, d'écologie, de régulation des banques. Et s'il est toujours question de dénoncer le fléau social qu'est le chômage, le problème de savoir comment interdire les licenciements, comment imposer au patronat le partage du travail, par exemple, est écarté. Il n'en est question que dans des assemblées de quartier où des militants syndicaux, ou encore des militants de gauche ou d'extrême gauche posent ces problèmes, qui sont d'ailleurs facilement discutés par les travailleurs présents ou les familles...

C'est sans doute autour de la lutte contre les expulsions de familles qui n'arrivent plus à payer les traites des logements qu'elles ont achetés à crédit que sont organisées les actions les plus combatives. Mais la lutte contre les régressions sociales imposées par la crise économique que traverse l'Espagne, comme le Portugal ou la Grèce, n'est pas l'objectif numéro un du mouvement actuel. C'est en tout cas ce qui est apparu à l'issue du forum social tenu par quelque 200 ou 300 délégués du Mouvement du 15 M, le lundi 25 juillet, où les résolutions ont concerné la réforme démocratique des élections, la protection de l'environnement et la régulation du système bancaire.

Mais il reste pourtant une chose essentielle dans le développement et le maintien de ce mouvement : il a montré que face à la situation il était possible d'organiser des réactions collectives et que, derrière la passivité apparente de la société, des millions de gens veulent lutter pour que cela change.

C'est maintenant à tous ceux qui sont conscients du rôle possible des classes populaires de préparer le monde ouvrier, la jeunesse, à mener les luttes sociales et politiques nécessaires pour imposer des reculs aux capitalistes et aux hommes politiques de droite comme de gauche qui sont à leur service. Les militants les plus conscients de la classe ouvrière peuvent avoir un rôle essentiel pour préparer les luttes sociales de demain et y entraîner les autres.

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