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Leur société
Scandale du Mediator : Des « dysfonctionnements » qui n'en sont pas
« S'il s'avère qu'il y avait des failles dans le système, elles seront corrigées ». C'est ce qu'a déclaré Sarkozy à propos du Mediator. Il parlait bien sûr du système de santé et pas du système économique. Pourtant, si les laboratoires Servier ont continué à produire le Mediator pendant plus de dix ans après que des spécialistes avaient sonné l'alerte sur sa toxicité cardiaque, c'est parce qu'il rapportait gros. Cinq cents à deux mille personnes en sont mortes et des milliers vivent avec la hantise d'un cour qui peut lâcher à tout instant.
Mediator a participé pendant plus de trente ans à la construction de l'immense fortune du docteur Servier et à la réussite de ce qui est devenu le deuxième laboratoire français. Rien qu'en France, entre 1976 et 2009, cinq millions de personnes en ont pris, surtout des femmes. Parce que, si le Mediator s'est avéré un piètre médicament pour les diabétiques, il s'est en revanche révélé doté d'un effet coupe-faim.
Dans les années 1980, d'autres médicaments de la même famille se vendaient pour aider à perdre du poids, dont l'Isoméride de Servier. Dans les années 1990, ils ont tous été retirés en raison de leur toxicité. Tous ? Sauf le Mediator qui, à partir de 1997, déguisé en antidiabétique, est resté le seul de cette famille sur le marché. Un monopole et un pactole !
C'est à partir de cette époque que de sérieux doutes ont commencé à planer sur ce médicament.
En septembre 1998, un courrier adressé au directeur général de la très officielle Agence du médicament attirait l'attention sur les résultats d'une étude conduite par des médecins de la Caisse d'Assurance Maladie de Bourgogne. Ils relevaient le peu d'efficacité du Mediator pour traiter le diabète et s'élevaient contre son coût pour la Sécurité sociale puisque, dans un tiers des cas, il était prescrit à des patients non diabétiques mais soucieux de perdre du poids. Ils tiraient aussi la sonnette d'alarme sur sa toxicité.
En 1999, des experts italiens alertaient les instances européennes sur les risques pour la santé des patients. La même année, en France, sous le gouvernement Jospin, la Commission de transparence jugeait que le Mediator ne devait plus être remboursé à 65 % en raison d'un « service médical rendu » insuffisant. Qu'importe, il a continué à l'être et à remplir ainsi les caisses de Servier aux crochets de la Sécu. Et la même histoire s'est reproduite en 2006.
Il a fallu attendre septembre 2009 pour que les autorités sanitaires reconnaissent enfin la toxicité cardiaque du Mediator et le retirent du marché. Plus de dix années d'un retard meurtrier.
Aujourd'hui, les dirigeants politiques nient toute responsabilité. Les ministres socialistes chargés de la Santé entre 1998 et 2002, les Kouchner et Aubry, assurent n'avoir pas été « au courant ». Roselyne Bachelot affirme n'avoir « pas connu le problème avant 2008 ». Xavier Bertrand, l'actuel ministre de la Santé (qui l'était aussi en 2006 quand le remboursement à 65 % a continué à être assuré au Mediator), promet aux victimes du Mediator qui souffrent d'affections cardiaques qu'ils bénéficieront « d'une prise en charge intégrale par l'Assurance-maladie ». Mais ce n'est pas à la Sécurité sociale de payer. C'est à Servier de payer, c'est lui le responsable et le coupable !
Quant au président de la République, il en appelle à la « transparence la plus totale ». Il s'engage à ce que « toutes les conséquences de ce dossier soient tirées. » Chiche ! Car il ne s'agit pas de quelconques « failles dans l'organisation du système de santé » ni de « mauvaise communication » empêchant les ministres d'être « au courant ». C'est le résultat des relations, des connivences entre le monde des industriels et de la finance et le monde de la politique. Sarkozy en est le meilleur exemple. En tant qu'avocat, il travaillait pour le compte de Servier. Il le « conseillait » en droit des sociétés et en droit immobilier, en particulier pour lui éviter de payer des impôts. Et en juillet 2009, quelques mois avant l'interdiction du Mediator, dans une embrassade entre compères, il remettait à Servier les insignes de la grand-croix de la Légion d'honneur.