25-30 décembre 1920 : le Congrès de Tours : naissance du Parti Communiste Un espoir pour le mouvement ouvrier français31/12/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/12/une-2213.gif.445x577_q85_box-0%2C8%2C173%2C232_crop_detail.png

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25-30 décembre 1920 : le Congrès de Tours : naissance du Parti Communiste Un espoir pour le mouvement ouvrier français

Lorsque, le 25 décembre 1920, s'ouvrit à Tours le congrès du Parti Socialiste (SFIO), l'issue en était déjà connue : il allait se conclure par une rupture entre le courant social-démocrate réformiste et chauvin et la majorité qui, soutenant avec enthousiasme la révolution d'Octobre 1917 et les Bolcheviks qui l'avaient menée, voulait rejoindre la IIIe Internationale créée en mars 1919.

Mais le Parti Communiste (Section française de l'Internationale Communiste) qui naquit au terme du Congrès de Tours, après bien des débats houleux et passionnés, était cependant bien loin du modèle bolchevik. L'élan révolutionnaire des travailleurs n'allait pas suffire à contrebalancer l'inexpérience des militants et le poids des traditions réformistes imprégnant la majeure partie de sa direction.

Dès l'ouverture, l'ordre du jour fut bousculé, la majorité des délégués présents voulant que soit traitée d'abord la question essentielle : l'affiliation à l'Internationale Communiste, l'IC, qui faisait l'objet de vifs débats dans toutes les sections du Parti Socialiste. Depuis sa fondation en mai 1919, le « Comité pour l'adhésion à la IIIe Internationale » y menait une intense propagande. Il était animé par des hommes qui allaient fournir les meilleurs éléments au jeune Parti Communiste: Rosmer et Monatte, des syndicalistes révolutionnaires qui s'étaient dès 1914 opposés à la guerre impérialiste, ainsi que Souvarine qui sera avec Rosmer un des dirigeants du PC avant d'en être exclu en 1924. De retour d'un voyage à Moscou, Cachin et Frossard défendaient eux aussi, dans une série de réunions, l'adhésion à l'IC, même si c'était plus par opportunisme que par convictions communistes.

La naissance du Parti Communiste

Dans les deux années qui suivirent la fin de la Première guerre mondiale, la SFIO avait vu grossir ses rangs. Avec un effectif de 178 000 adhérents, le parti avait plus que doublé par rapport à l'avant-guerre. Les ouvriers et aussi les paysans qui dans les tranchées avaient été au contact des idées socialistes s'enthousiasmaient pour la révolution d'Octobre pendant laquelle, derrière le Parti Bolchevik, les travailleurs russes avaient été capables de renverser le capitalisme. Pour eux, les choses étaient claires : la montée révolutionnaire en Europe pouvait permettre d'espérer qu'en France aussi, pour peu qu'existât un tel parti, le capitalisme s'effondrerait à son tour. Lors des débats dans les sections, une anecdote est révélatrice de l'état d'esprit ; un vieil ouvrier demande : « L'Internationale de Lénine, laquelle est-ce ? - La Troisième - Alors, c'est la mienne » !

Les orateurs qui, tel Cachin, relataient ce qu'ils avaient vu de la Russie soviétique furent vigoureusement applaudis. Et l'enthousiasme redoubla à la lecture d'un message de Zinoviev, un des dirigeants de l'IC, ou lorsque la militante communiste allemande Clara Zetkin prit la parole.

En face, les interventions de représentants de l'aile droite du parti étaient constamment interrompues par des huées et des remarques leur rappelant leur trahison des idéaux socialistes. Ainsi, lorsque Sembat, qui fut ministre sous l'Union sacrée, déclarait que la création d'un Parti Communiste donnerait un prétexte à la bourgeoisie française pour écraser le mouvement ouvrier, un délégué lui lança à la figure : « Vous excusez votre lâcheté ! » Et lorsque Blum, son chef de cabinet pendant la guerre, défendit la nécessité de la défense nationale, il fut interrompu par des cris proclamant : « À bas la guerre ! », les délégués entonnant ensuite L'Internationale.

Les centristes, représentés par Longuet et Pressemane, qui tentaient de ménager le réformisme du parti français tout en y amalgamant certains aspects du régime soviétique, ne furent pas mieux accueillis.

Le vote final fut sans appel : 70 % des délégués, représentant 89 fédérations sur les 96 que comptait la SFIO, votèrent pour l'adhésion à la IIIe Internationale ; le centre recueillit 20 % des voix et la droite seulement 10 %. La rupture, jugée indispensable par Lénine et l'IC - qui avaient imposé 21 conditions d'admission aux Partis Communistes occidentaux - était ainsi consommée, les réformistes quittant le nouveau Parti Communiste (SFIC-section française de l'Internationale Communiste) qui venait de naître. Avec 130 000 membres, contre 40 000 au Parti Socialiste, il devenait le principal parti des travailleurs, ouvriers et petits paysans.

Un parti à construire

La classe ouvrière française avait ainsi répondu présent à l'appel de l'IC de rejoindre les rangs des communistes révolutionnaires. Cependant, le PC tel qu'il était à la fin du Congrès de Tours, s'il « marquait la volonté des militants de devenir communistes », pour citer Trotsky qui suivit de près son évolution, était loin d'être l'arme de combat des prolétaires pour leur émancipation, comme l'avait été le Parti Bolchevik. « Un parti qui a subi une telle déviation pendant la guerre ne devient pas subitement communiste par le vote d'une motion de congrès », constatait-il un an plus tard.

À sa base, le PC était composé de « masses nouvelles et inexpérimentées » qu'il était indispensable de former, d'autant plus que la vague révolutionnaire refluait en Europe. À l'impatience d'un courant gauchiste qui n'avait pas compris que la situation avait changé et refusait la politique de front unique soutenue par l'IC et de militer dans les syndicats, répondait « la faiblesse de la direction qui n'a pas créé une conscience collective », avant tout la faiblesse idéologique de ses intellectuels formés à l'école de la IIe Internationale et imprégnés de réformisme, comme le constatait Trotsky lors du congrès de Marseille qui se tint un an plus tard. « Ces survivances du passé », disait-il, se manifestent dans certains groupes par, entre autres, « une tendance à rétablir l'unité avec les réformistes », à lutter « contre une direction du parti vraiment centralisée » et « les efforts pour substituer une fédération platonique de partis nationaux à la discipline internationale d'action ». Trotsky insistait sur la nécessité « de faire un grand travail d'organisation, de purification, d'éducation, de sélection » et, pour faire contrepoids aux Cachin et autres réformistes de la direction, « de faire plus de place aux ouvriers dans le comité directeur ».

Dans les crises qui agitèrent le PC, dans les années 1923-1925, l'épuration se fit en partie sur la droite, mais surtout sur la gauche, avec l'éviction de communistes sincères en 1924 tels que Rosmer, Monatte ou Souvarine. À partir de cette époque, le PC calqua sa politique sur celle du PC soviétique et de l'Internationale aux mains de Staline, qui excluait, avant de les assassiner, les militants de la vieille garde bolchevique. En France, les militants, liés avant tout sentimentalement à l'Union soviétique et pour beaucoup dépourvus de culture marxiste, ne comprirent pas pour la plupart les enjeux de la lutte qui se menait en URSS entre les révolutionnaires et la fraction stalinienne. Le parti français suivit alors sans critique toutes les déviations de la politique stalinienne et sa trahison de toute politique révolutionnaire.

Aujourd'hui, 90 ans après le Congrès de Tours, le PCF continue de s'en revendiquer. Mais il y a bien longtemps que le parti des Cachin, Thorez, Marchais... et maintenant Pierre Laurent a tourné le dos au communisme révolutionnaire pour marcher dans les pas des réformistes que les communistes combattaient en 1920.

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