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Irak : L'armée américaine sous-traite une partie de ses exactions
Le 9 octobre, à Bagdad, des gardes armées appartenant à la société Blackwater assassinaient deux femmes en pleine rue. Ce crime perpétré de sang-froid est le dernier d'une longue série. En effet, Erik Prince, le PDG de Blackwater, a été convoqué mardi 2 octobre devant une commission du Congrès des États-Unis pour s'expliquer sur les « 168 crimes et délits graves » dont sont accusés ses employés en Irak.
Blackwater est une des armées privées qui opèrent dans ce pays pour le compte de particuliers, d'entreprises et, avant tout, de l'armée américaine. Il y aurait selon les estimations de 10 000 à 50 000 mercenaires armés dans le pays (en plus des 150 000 soldats américains réguliers), ne répondant à aucune autorité, ne relevant d'aucun tribunal, ayant la possibilité d'assassiner qui ils veulent et quand ils veulent. C'est justement après l'assassinat de 17 passants pris au hasard que le gouvernement irakien a demandé officiellement aux responsables américains de bien vouloir expulser Blackwater. Le fait que ce gouvernement soit incapable d'arrêter des criminels connus, d'empêcher des bandes armées de nuire, et qu'il ne puisse pas interdire lui-même à Blackwater d'opérer sur son territoire, démontre, s'il en était besoin, l'absence d'autorité propre de l'État irakien.
Ce n'était pourtant pas la première fois que les « chiens de guerre » faisaient parler d'eux. Ils sont en Irak depuis le début de la guerre et ont déjà été mêlés à des affaires d'assassinat et de torture sans avoir jamais été inquiétés. Surtout pas par l'armée américaine qui leur sous-traite un certain nombre de tâches militaires. Cela va de l'intendance au renseignement, de la sécurité des bâtiments aux patrouilles.
Cette politique de sous-traitance existe depuis longtemps, mais elle a connu une croissance rapide avec l'arrivée de Bush au pouvoir et l'invasion de l'Irak. Elle permet au gouvernement américain à la fois de réduire le nombre de soldats engagés (et donc le nombre de morts américains officiels) et d'offrir des contrats à des entreprises amies. Car les sociétés de mercenaires sont souvent des filiales de grands groupes, lesquels sont souvent non seulement des contributeurs financiers des campagnes électorales de Bush, mais encore des entreprises liées à la famille présidentielle et à celle du vice-président Cheney. Ce dernier fut, pendant la période qui sépara la présidence de Bush père de celle de Bush fils, l'un des dirigeants d'Halliburton, prestataire de service de l'armée américaine en Irak. La seule société Blackwater a perçu 750 millions de dollars pour ses activités en Irak depuis 2003 et vient, malgré le scandale provoqué par les assassinats de civils irakiens, de signer avec l'armée américaine un nouveau contrat d'un montant de 92 millions de dollars.
Le 15 octobre, le gouvernement Bush a laissé entendre que Blackwater quitterait l'Irak d'ici six mois, le temps sans doute que ses tueurs soient intégrés dans d'autres armées privées opérant dans le pays. Les autorités américaines ont également affirmé que les activités des mercenaires seraient désormais contrôlées de plus près. Mais par qui ? Par les diplomates qui ont couvert tous leurs crimes depuis 2003 ? Par des envoyés du gouvernement qui seront, comme le vice-président, des obligés ou des actionnaires des sociétés qu'ils sont censés contrôler ? Par les militaires officiels ? Mais ils ont autant de sang sur les mains.
Ce que font les mercenaire en Irak est ce qu'ont fait toutes les armées coloniales et ce que fait aujourd'hui, sur les mêmes lieux et contre les mêmes civils innocents, l'armée américaine. À cette différence près que dans l'armée, les soldats ont parfois des scrupules, voire se rebiffent contre le sale travail qu'on veut leur faire faire. Les mercenaires, eux, sont taillés pour le « job ».