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- Lutte ouvrière n°2046
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Il y a 90 ans : La mutinerie des soldats britanniques à Étaples
Pendant la Première Guerre mondiale, la ville d'Étaples, au sud de Boulogne-sur-Mer, accueillait un camp militaire britannique où, le 9 septembre 1917, éclata une mutinerie qui dura six jours. La mutinerie terminée, les autorités britanniques, qui craignaient la contagion de la révolution russe, n'eurent qu'une obsession, faire comme si elle n'avait jamais existé. Il fallut plus de soixante ans pour que cette affaire soit évoquée à travers des publications britanniques.
Le camp militaire d'Étaples mélangeait jeunes recrues et vétérans, qui s'y entraînaient à la guerre des gaz et au combat à la baïonnette. Les soldats enduraient de longues marches forcées dans des dunes de sable, des séances d'autant plus épuisantes qu'ils avaient le plus souvent le ventre vide. Il n'était pas rare que des soldats demandent à retourner au front, tant les conditions étaient difficiles. L'encadrement était féroce et les distractions rares, surtout destinées aux officiers. La police militaire terrorisait les soldats, y compris les blessés traités dans les différents hôpitaux militaires de la région.
L'année 1917 avaient été marquée à partir d'avril par des mutineries des troupes françaises et des troupes russes. Même réprimées, les mutineries rendaient les corps d'armée inopérants pour une durée plus ou moins longue. À la fin de l'été 1917, les responsables militaires britanniques prévoyaient que les offensives à venir reposeraient sur leurs troupes et celles de leurs alliés australiens et néo-zélandais qui s'entassaient à Étaples. Notamment la bataille de Passchendaele, en Belgique, qui se déroula d'août à novembre 1917, fut très meurtrière pour les troupes anglaises (300 000 morts).
C'est l'arrestation par la police militaire britannique d'un soldat néo-zélandais qui avait essayé de se rendre dans le bourg d'Étaples qui mit le feu aux poudres. Elle entraîna un rassemblement de soldats qui ne se dispersèrent pas, même quand le soldat arrêté fut relâché. Et quand un membre de la police militaire tua un soldat écossais, en même temps qu'il blessait une habitante d'Étaples, la colère explosa. Un millier de soldats se mirent à poursuivre des membres de la police militaire. Un des responsables du camp militaire fut promené dans la ville assis sur sa chaise.
Le lendemain, la police tenta de barrer les ponts conduisant du camp à la ville, mais les soldats passèrent outre. Ils exigeaient le libre accès à la ville d'Étaples, l'autorisation de boire de l'alcool dans le camp militaire, le renvoi des instructeurs et des policiers militaires, la fermeture du terrain d'exercice et l'amélioration des conditions d'existence dans le camp. Le troisième jour, le commandement de la base appela des renforts. Le quatrième jour, un millier de soldats mutinés marchaient sur Étaples puis vers Le Touquet, tout proche.
Le cinquième jour, les renforts arrivèrent, des artilleurs, des cavaliers et des mitrailleurs destinés à impressionner les mutins. Trois cents soldats seulement manifestèrent alors et furent arrêtés à Étaples. La mutinerie terminée, le commandement britannique reprit le contrôle de ses troupes qui furent envoyées vers la boucherie du front.
D'autres mutineries des troupes britanniques eurent lieu dans la région, à trois reprises à Boulogne même, entre septembre et octobre 1917, et à Calais en décembre. La répression fut alors d'autant plus immédiate, et sanglante, qu'il s'agissait de soldats originaires des colonies britanniques, pour lesquels l'état-major britannique avait un mépris encore plus grand.