Turquie : Vers une intervention militaire en Irak ?19/10/20072007Journal/medias/journalnumero/images/2007/10/une2046.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Turquie : Vers une intervention militaire en Irak ?

Le 17 octobre, l'Assemblée nationale turque devait, sur demande du gouvernement du Premier ministre Erdogan, autoriser l'armée à intervenir militairement en Irak, en cas de besoin, contre la guérilla kurde du PKK qui y dispose de bases arrière.

Cette autorisation est en fait très formelle, les généraux turcs s'arrogeant depuis longtemps le droit d'intervenir dans la région kurde du nord de l'Irak, soit par des bombardements de ce qu'ils estiment être des bases du PKK, soit même par des incursions. L'état-major n'en faisait pas moins pression depuis des mois sur le gouvernement pour qu'il entérine cette politique. Des attentats attribués au PKK et ayant abouti à la mort de militaires turcs lui en ont fourni l'occasion.

Depuis l'intervention américaine contre Saddam Hussein, la région kurde dispose d'une autonomie de fait. C'est aussi la partie de l'Irak où la situation est la plus stable et où règne une relative prospérité. Ce sont d'ailleurs souvent des sociétés capitalistes turques qui en profitent, vendant leurs produits et installant des chantiers dans cette région kurde. Mais les chefs de l'armée turque voient la situation d'un autre oeil : cette autonomie risque de devenir un exemple pour les Kurdes de Turquie. D'autre part, même si les dirigeants kurdes irakiens tentent de limiter les activités du PKK, ils ne peuvent le faire totalement sous peine d'apparaître comme solidaires de la répression qui s'exerce contre la population kurde de Turquie à laquelle, malgré quelques gestes et modifications législatives, l'État turc continue en fait de nier même le droit de parler ou d'avoir une presse dans sa langue.

L'armée turque veut donc contraindre les dirigeants irakiens à agir contre le PKK, ce dont ils n'ont guère les moyens, et sinon occuper elle-même une partie de cette zone. Un prétexte pourrait être aussi de protéger la minorité turkmène de cette région kurde. Mais une vraie raison pourrait être aussi le fait que la Turquie, depuis toujours, lorgne sur les richesses pétrolières de Kirkouk et de Mossoul, situées dans cette région. Les dirigeants des États-Unis, de leur côté, s'opposent à une telle intervention ; mais ils n'ont peut-être pas vraiment les moyens de s'y opposer.

Contraint et forcé par les pressions de l'armée, le gouvernement Erdogan a donc fini par céder. Reconduit à la tête du pays à la suite des élections de cet été, Erdogan et son parti AKP, dit « islamiste modéré », souhaitent plutôt se désengager de ce type de conflit. Cela correspond à une tendance des grands capitalistes turcs qui souhaitent s'intégrer à l'Union européenne, profiter des opportunités de faire des affaires au nord de l'Irak, au Moyen-Orient et en Asie centrale, sans pour autant s'embarrasser des coûts d'une intervention militaire dont ils préfèrent laisser le soin, par exemple, aux États-Unis.

Le plus simple serait évidemment de reconnaître aux Kurdes de Turquie les droits démocratiques qu'ils réclament. Mais le gouvernement Erdogan est visiblement incapable de mener une telle politique, non seulement parce que l'armée et l'État qu'il dirige ne l'acceptent pas, mais parce que la société turque nie un grand nombre de ces droits aux Turcs eux-mêmes.

C'est donc peut-être un nouveau front qui pourrait s'ouvrir en Irak par l'intervention de l'armée turque. Le chaos que l'intervention américaine a amené en Irak ne ferait ainsi que s'étendre un peu plus, en impliquant ses voisins.

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