Le travail des enfants comme au 19e siècle20/06/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/06/une1769.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Le travail des enfants comme au 19e siècle

L'OIT (l'Organisation Internationale du Travail, qui dépend de l'ONU) vient d'organiser la première Journée mondiale contre le travail des enfants. âgés de 5 à 17 ans, selon la classification de l'OIT, ils seraient 246 millions de par le monde à devoir travailler, certains tout en allant à l'école. Ce sont, pour la plupart, des enfants de familles pauvres, dont les parents - quand ils en ont encore - n'ont pas un travail qui leur permette de vivre décemment et d'élever une famille. Ils doivent donc compter sur le maigre apport de leurs propres enfants, dans un Tiers Monde qui est lui-même voué à la pauvreté par le système dominant l'ensemble de la planète.

Parmi ces 246 millions d'enfants, toujours selon l'OIT, l'immense majorité (179 millions) doivent accomplir des tâches dangereuses. " Les formes les plus dangereuses du travail des enfants, ont expliqué les organisateurs de cette Journée, dépassent largement nos estimations précédentes ". Il est vrai que ce n'est pas la première fois que l'OIT se penche sur cette question, publie des rapports, appuyés sur l'activité des ONG spécialisées dans l'aide à l'enfance, sans que les dénonciations, ô combien justifiées, changent quoi que ce soit à la chose. Exactement comme les colloques ou journées qu'organise cette même OIT sur les accidents du travail dans le monde, ou que d'autres organismes internationaux, liés ou non à l'ONU, tiennent à intervalles réguliers, par exemple sur la faim ou la pauvreté dans le monde.

Il y a à cela la même raison fondamentale : " l'humanitaire " n'est au mieux, et quel que soit le dévouement de celles et ceux qui s'y consacrent, qu'une tentative de vider à la petite cuillère l'océan de l'injustice d'un système social fondé sur l'exploitation de l'homme (y compris, de l'enfant) par l'homme. Et, au pire, c'est la bonne conscience que se donnent à peu de frais les tenants de l'ordre capitaliste, un ordre né en Europe au 18e siècle, déjà en s'érigeant sur l'exploitation (entre autres) d'une multitude d'enfants, notamment dans les mines ou les filatures, et cela dès leur plus jeune âge.

Cette forme particulièrement barbare de l'exploitation capitaliste n'a pas disparu, on le voit, même si, en prenant de l'ampleur, elle frappe désormais surtout les populations d'Afrique, d'Asie et d'Amérique du Sud. à l'occasion du Mondial de football, certaines ONG ont réactivé leurs campagnes de dénonciation des cas d'enfants condamnés à fabriquer pour un salaire de misère et dans des conditions effroyables, au Pakistan ou en Chine, des ballons de foot. Dans un passé récent, certaines de ces campagnes avaient mis en lumière le fait que des importateurs et distributeurs d'articles de sport ayant pignon sur rue - et des enseignes en vue, notamment dans les hypermarchés - profitaient sans vergogne de cette main-d'oeuvre infantile. Depuis, les plus connues de ces firmes - ou leurs homologues de l'agro-alimentaire qui exploitent des enfants sur des plantations d'agrumes en Amérique latine, en Afrique ou en Asie - ont promis, juré qu'elles rompraient avec de telles pratiques.

Leur publicité y a sans doute gagné. Les enfants du Tiers Monde, on peut en douter. Certains intervenants de cette Journée de l'OIT ont en effet rapporté que nombre de ces firmes, par souci de respectabilité commerciale, autrement dit pour ne pas compromettre leurs recettes, ont effectivement cessé d'exploiter des enfants. Du moins, elles ont cessé de le faire directement. Elles passent désormais par des sous-traitants de sous-traitants. En devenant plus opaque, la chaîne de l'exploitation n'en est pas pour autant allégée - on peut même penser que la multiplication des intermédiaires, donc des rapaces qui vivent du travail des enfants, diminue encore le peu que perçoivent ces derniers - mais elle devient commercialement plus présentable...

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