Baisse des impôts prime fiscale pour les riches, Déficit public pour les pauvres20/06/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/06/une1769.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Baisse des impôts prime fiscale pour les riches, Déficit public pour les pauvres

C'est le 3 juillet que devraient être annoncées les modalités de la baisse de l'impôt sur le revenu que Chirac avait promise dès le troisième tiers provisionnel de cette année - baisse qui se traduira, en année pleine, par une diminution des recettes fiscales de 2,7 milliards d'euros.

Or, à en croire la presse, l'audit des finances publiques commandé par Raffarin après sa nomination indiquerait, avant même cette ponction de 2,7 milliards, un déficit public atteignant 2,6 % du Produit Intérieur Brut, au lieu des 1,9 % prévus par le dernier budget de Jospin.

Et comment s'en étonner ? A force d'arroser le patronat de subventions et autres dispenses de cotisations sociales, sans parler de 7,3 milliards d'euros de réduction de l'impôt sur le revenu entre 2000 et 2002, on voit mal comment Jospin aurait pu réduire le déficit public ou éviter qu'un certain nombre de budgets sociaux se retrouvent dans le rouge. Et évidemment, on pouvait s'attendre à ce que la droite se serve de cet état de fait pour faire endosser par avance au précédent gouvernement la responsabilité de ses mesures d'austérité à venir.

Mais tout se passe comme si la droite voulait le beurre et l'argent du beurre. D'un côté elle stigmatise l'irresponsabilité coûteuse de la gauche plurielle, à qui elle impute le creusement du déficit public. Mais de l'autre elle s'apprête à creuser encore plus ce déficit en réduisant les ressources fiscales de l'Etat. Car bien entendu, il n'est pas question de toucher aux budgets fétiches de Chirac, qu'il s'agisse des 9 milliards d'euros supplémentaires au titre de la future loi de programmation militaire ou de la rallonge de 6 milliards d'euros annoncée pour le budget sécuritaire.

Comme il leur faut bien quand même donner un semblant de justification à cette contradiction, les porte-parole du gouvernement protestent de leur bonne foi en parlant d'" investissement à long terme " et en prétendant que ces 2,7 milliards (et sans doute les nombreux autres milliards qui les suivront, puisque Chirac entend paraît-il réduire l'impôt sur le revenu de 30 % sur la durée de la législature) vont donner un " second souffle " à la croissance - ce qui entraînerait, selon eux, la création d'emplois et, du même coup, une augmentation des recettes fiscales.

Un " second souffle ", mais comment ? Là, les avis divergent. Certains ont prétendu, de façon toute démagogique, que cette baisse d'impôt donnera un coup de fouet à la consommation. Or qui va bénéficier de cette réduction ? Quelles que soient ses modalités, elle se traduira par une baisse de 5 % de la quote-part de chacun - une baisse qui sera donc dérisoire (voire nulle) pour les plus pauvres, mais considérable pour les plus riches. C'est ainsi qu'il a été calculé que 70 % de ces 2,7 milliards d'euros iront aux 10 % de contribuables les plus riches, dont près de la moitié aux 1 % les plus riches - c'est-à-dire justement à une infime minorité déjà repue, qui n'a aucune chance de consommer plus qu'elle ne le fait aujourd'hui.

Si la droite avait vraiment voulu donner un coup de fouet à la consommation, elle aurait pu diminuer la TVA sur les produits de consommation courante. Non seulement cela aurait bénéficié à tous, mais cela aurait également permis d'augmenter la consommation de ces produits par les foyers les plus modestes, c'est-à-dire ceux qui peuvent justement consommer plus qu'ils ne le font. Mais si Chirac n'a pas choisi de baisser la TVA, ce n'est bien sûr pas par hasard. C'est que, justement, il voulait que les principaux bénéficiaires de ses largesses soient les plus riches.

D'ailleurs certains représentants de la droite n'hésitent pas à revendiquer ouvertement ce choix, et avec toute l'arrogance de leurs préjugés sociaux, en s'exclamant : mais qui d'autre que les riches ira investir ses gains dans l'économie et donc créer des emplois ? Mais à qui veulent-ils faire avaler une telle blague ? Alors que les cours boursiers sont en pleine déconfiture, à qui veulent-ils faire croire que les nantis, pris d'un soudain élan d'altruisme, vont prendre le risque de perdre tout ou partie de la prime fiscale que leur prépare Chirac dans des investissements productifs susceptibles de générer des emplois ?

La vérité est aussi simple que crue. Cette baisse d'impôt n'a pas d'autre objet que de remplir un peu plus les poches des plus riches. Quant aux jérémiades de Raffarin sur le déficit public, nul doute qu'elles serviront à justifier des mesures d'austérité sur les budgets sociaux ou les services publics, grâce auxquelles son gouvernement fera payer au monde du travail ses cadeaux présents et à venir à la bourgeoisie.

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