La cour suprême contre les travailleurs immigrés20/06/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/06/une1769.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

La cour suprême contre les travailleurs immigrés

La Cour suprême des Etats-Unis, qui joue dans la vie politique américaine un rôle rappelant celui du Conseil constitutionnel ici, vient de prendre une décision qui a ravi les chefs d'entreprise nord-américains.

Le 27 mars en effet, par cinq voix contre quatre, la Haute Cour des Etats-Unis a décidé qu'un ouvrier d'une usine chimique ne pouvait prétendre toucher une indemnité de plusieurs milliers de dollars après avoir été licencié abusivement pour ses activités syndicales. Elle a estimé que la violation de la législation du travail par l'employeur passait après la violation de la législation sur l'immigration par le salarié.

Pendant des années, les institutions fédérales qui cherchaient un arbitrage entre deux législations contradictoires, celle sur le travail et celle sur l'immigration, avaient accepté en général que les salariés en situation irrégulière ne soient pas repris par l'employeur (pour que ce dernier ne se retrouve pas en situation de violer la loi sur l'immigration) mais aussi qu'ils soient payés pour la période allant de la date de licenciement à celle à laquelle l'employeur " découvrait " sa situation illégale. Cette fois, en revanche, la Cour suprême a opté pour une solution permettant aux patrons de tirer tous les bénéfices de la situation irrégulière d'un travailleur, lui permettant de l'exploiter à fond sans qu'il ait le moindre recours. Le verdict est un indiscutable encouragement aux employeurs à ne pas respecter la législation du travail quand ils emploient un travailleur en situation irrégulière.

Les conséquences n'ont pas tardé à se faire sentir. La presse américaine rapporte qu'une salariée ayant déposé une plainte pour harcèlement sexuel dans une entreprise de traitement de poulets du Kentucky s'est vu demander ses papiers. Même chose pour une conditionneuse de viande du Nebraska, qui avait réclamé des indemnités après un accident du travail, une chute de dix mètres. Attitude identique chez un patron d'une grande boucherie de Manhattan, à New York, qui payait des salaires en dessous du minimum légal à ses employés.

A l'inverse, heureusement, deux autres affaires ont montré que tous les juges ne suivent pas forcément la décision de la Cour suprême quand les patrons s'y réfèrent pour ne pas payer leur dû à des travailleurs qui les poursuivent. Mais comment savoir par avance si le juge fera preuve d'indépendance par rapport à la Cour suprême et prendra en compte les arguments des travailleurs ?

La décision de la Cour suprême ouvre donc une voie où les salariés dans cette situation risquent d'être perdants sur toute la ligne. D'ailleurs, les associations de défense des différentes immigrations comme les syndicats soulignent que la décision de la Cour suprême dissuade désormais bien des travailleurs de poursuivre leur patron en justice quand leurs droits ne sont pas respectés.

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