Même quand on dit que la Bourse va mal, ça va plus que bien pour les actionnaires20/06/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/06/une1769.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Même quand on dit que la Bourse va mal, ça va plus que bien pour les actionnaires

" Des actionnaires bien trop gâtés ". C'est sous ce titre - a priori surprenant, surtout à la Une d'un quotidien qui s'adresse notamment aux milieux d'affaires - que Les Echos du 14 juin ont publié des informations qui ne manquent pas d'intérêt sur la réalité des rapports entre les entreprises et leurs propriétaires. Et cela, même si l'auteur de l'article croit y voir un " dévoiement du capitalisme qui transforme les actionnaires en rentiers " : comme si le personnage du rentier, omniprésent dans l'oeuvre de Balzac ou dans celle de Zola, justement parce qu'elles sont toutes deux contemporaines des débuts du capitalisme en France, n'était pas, surtout dans ce pays, indissociable dudit capitalisme.

De ce point de vue, pas grand-chose n'a changé depuis cette époque. Qu'on en juge !

Tout le monde a entendu dire que, après les attentats du 11 septembre aux Etats-Unis, les cours des actions ont plongé à la Bourse. Les journalistes, les gouvernants et le patronat ne se sont pas privés de faire chorus, en présentant la chose de telle façon que l'opinion publique, et d'abord les salariés, puissent se convaincre que le moment n'était pas venu (mais ce n'est jamais le bon moment...) de revendiquer des embauches ou des augmentations de salaires puisque, leur répétait-on à l'envi, la santé des entreprises n'aurait pas été des plus florissante.

Eh bien, " alors qu'ils affichaient, dans l'ensemble, des résultats financiers (des bénéfices) en forte baisse, les grands groupes français ont accru les dividendes qu'ils ont distribués ". Et pas qu'un peu.

L'ensemble des 40 plus grosses entreprises (celles qui participent à l'établissement du CAC 40, le principal indice boursier) ont affecté, cette année, plus de 16 milliards d'euros à la distribution de bénéfices. C'est une somme supérieure de 7,2 % à celle distribuée par les mêmes groupes l'an passé, alors que cette année-ci a été présentée comme médiocre, sinon mauvaise pour les détenteurs d'actions. Et il ne faut pas croire que cela concernerait les seules grandes sociétés. Selon l'hebdomadaire La Vie Française, 120 groupes de moindre importance (qui servent de référence au SBF 120, un autre indice boursier) ont distribué 19,6 milliards d'euros de dividendes à leurs actionnaires (+ 2 % par rapport à 2001) et ils pourraient en verser 21 milliards en 2003 (+ 6,9 % par rapport à 2002).

Si la Bourse a notablement chuté depuis l'automne dernier, cela n'a donc pas, au contraire, affecté les revenus des actionnaires. Cette baisse leur a même été doublement profitable, déclare l'auteur de l'article des Echos, qui souligne que les entreprises en ont profité pour racheter à bas prix leurs propres actions en Bourse, lesquelles sont ainsi retournées dans le portefeuille de leurs actionnaires. à cet effet, les plus grands groupes ont débloqué 16 autres milliards d'euros, autant que ce qu'ils ont versé à leurs actionnaires au titre des bénéfices.

" Au total, écrit-il, ce sont donc plus de 32 milliards d'euros en espèces sonnantes et trébuchantes qui ont été consacrés par les 40 principaux groupes cotés (en Bourse) à soigner le moral " de leurs actionnaires. Et de conclure : " Rarement les actionnaires français ont été aussi bien rémunérés."

Mais chut !, ce sont les mêmes gens qui refusent souvent la moindre augmentation, même symbolique, à leurs salariés... parfois avant de les licencier.

Partager