Transports en Commun Lyonnais :12/04/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/04/une1759.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Transports en Commun Lyonnais :

L'INTRANSIGEANCE DE LA DIRECTION FAIT DURER LA GRÈVE

Lundi 8 avril, les agents des TCL, les Transports en Commun Lyonnais, en étaient à leur 20e journée de grève. A l'origine de celle-ci, un désaccord avec la direction sur le montant de l'augmentation de salaire.

Au départ, celle-ci proposait 1,2 % et les agents demandaient 5 à 7 %. Puis la direction est montée à 1,6 %, ou des tickets restaurant, ce qu'ont refusé les grévistes. Ces derniers ont accepté de descendre à 3,2 %, mais la direction ne veut pas dépasser 1,8 % en deux fois.

Depuis le début, la grève est très suivie : seule la ligne de métro automatique fonctionne normalement, mais les autres lignes de métro, ainsi que le tramway, sont très perturbés, et les bus ne circulent pratiquement pas.

Les transports en commun sont un service public. Mais le SYTRAL, l'organisme dépendant de la Communauté Urbaine responsable des transports en commun, en confie la gestion à une société privée, la SLTC, filiale du puissant groupe KEOLIS, qui gère 40 % du marché des transports en commun dans le pays. Ses principaux actionnaires sont la BNP (49 %), la SNCF (43 %) et Vivendi (8 %).

Les responsables du SYTRAL et le nouveau maire PS de Lyon, qui est président de la Communauté Urbaine, expliquent dans la presse que, puisque le SYTRAL donne des subventions à la SLTC, il faudra augmenter le prix des tickets, ou les impôts, si on augmente trop les salaires du personnel des transports en commun. Ils n'envisagent pas qu'on puisse prendre sur les dividendes versés aux actionnaires de KEOLIS qui, en 2000, a fait 30 millions d'euros de bénéfices. Et l'augmentation du ticket de bus, qu'ils essaient de mettre sur le dos des grévistes, était de toute façon prévue pour le 1er avril.

La grève est relativement impopulaire auprès des usagers, mais les médias y contribuent. Pour faire passer les grévistes pour des privilégiés, la SLTC a fait paraître dans la presse une demi-page de publicité énumérant les prétendus avantages des agents des TCL et mentant sur les salaires. Les grévistes ont répliqué en affichant leurs feuilles de paye dans les Abribus : en effet, un salaire de 1300 euros (8500 F) net, avec 15 ans d'ancienneté, primes comprises, en travaillant les dimanches et les jours fériés et en partie la nuit, ce n'est pas cher payé !

Face à l'intransigeance de la direction et à ses provocations, les agents ont durci la grève en bloquant les dépôts à partir du jeudi 4 avril : plus aucun bus ni aucun tramway n'est sorti. La direction a réagi samedi 6 avril en envoyant les huissiers dans les dépôts, qui ont dressé une soixantaine de constats d'entrave à la liberté du travail, et les salariés sont passés au tribunal lundi 8, pour un jugement rendu le lendemain.

Les grévistes demandent depuis plus d'une semaine un médiateur, mais pour l'instant la direction n'en veut pas. Aussi, la poursuite de la grève a été décidée pour mardi 9 avril.

Située dans la banlieue de Chartres, l'usine Vidéo Digital Multimédia (VDM) assure la duplication de cassettes vidéo pour de grands groupes de l'audiovisuel (TF1, Canal +, etc.). Pendant des années, les affaires ont été, pour les actionnaires, florissantes. Mais depuis deux ans, avec la montée en puissance du DVD, le marché de la cassette est en régression. Face à cette évolution prévisible, la direction n'a rien fait. Elle n'a absolument pas investi dans cette nouvelle technologie, préférant visiblement tirer le maximum de profit jusqu'à la fin. Fait significatif : le fonds de pension britannique Pricoa, filiale du groupe financier Prudential (lui-même impliqué dans la faillite frauduleuse du groupe américain Enron), est entré dans le capital de VDM il y a quelques années, avec la garantie qu'il serait rémunéré à taux fixe quoi qu'il arrive.

Résultat : les dettes se sont accumulées en 2001 et un premier plan social a eu lieu en janvier dernier, avec le licenciement de 28 personnes. Et à la mi-mars, VDM était mis en redressement judiciaire. Nous avons rapidement appris qu'il n'y avait pas de repreneur et que l'usine de Lucé fermerait fin avril. Entre-temps nous avons pu constater que la direction n'avait pas tenu ses engagements par rapport au plan social : la prime de licenciement extralégale (pourtant bien légère) de l'ordre de 26 000 F n'avait pas été versée. Et les travailleurs licenciés ne pouvaient même pas toucher les Assedic car VDM n'avait pas fait les démarches nécessaires. Certains d'entre nous n'arrivaient déjà plus à payer leurs factures d'eau et d'électricité et devaient avoir recours à l'aide alimentaire. Quant aux salaires de février et de mars de ceux qui travaillaient encore, ils n'avaient pas non plus été versés intégralement.

C'est devant tant de mépris patronal que le personnel a décidé " de prendre en main la direction des opérations ", comme il l'a exprimé dans un communiqué adressé à la direction.

Dès le mardi 4 avril, nous avons décidé d'occuper l'usine jour et nuit et de commencer à vendre le stock de cassettes vierges qui se trouve entreposé dans l'usine. Comme il y a en des dizaines de milliers, nous avons de quoi tenir un certain temps ! Cet argent permettra au moins d'assurer un revenu aux salariés... si la direction ne tient pas ses engagements. Nous savons bien que l'usine va fermer, mais la moindre des choses c'est que, dans la liquidation, les intérêts des salariés, qui ont permis à l'entreprise de faire des bénéfices pendant des années, passent avant ceux des actionnaires.

Immédiatement la nouvelle s'est répandue dans toute l'agglomération chartraine, grâce à un reportage sur FR3, relayé par des articles dans les quotidiens locaux, mais aussi grâce au bouche-à-oreille. Car cette initiative a été très bien perçue par la population. Des commerçants des quartiers populaires ont accepté d'apposer des affichettes sur leur vitrine, des tracts ont été distribués sur le marché de Lucé et dans un certain nombre de boîtes à lettres.

Partout l'accueil est chaleureux et le flot de voitures qui s'arrêtent pour acheter des cassettes et dire quelques mots d'encouragement est ininterrompu.

Le mercredi 5 avril, nous sommes allés à une vingtaine à Courbevoie, où se trouve le siège de la société, pour rencontrer la direction générale. Sur place, nous avons pu constater la présence de dix vigiles sur les dents et de plusieurs représentants de la police. Le patron n'avait pas d'argent pour payer ce qu'il doit, mais il savait en trouver pour se payer des gardes du corps. Ensuite nous avons obligé la direction, qui ne voulait voir que les délégués, à nous recevoir tous ensemble et à dévoiler ses projets devant le personnel de Courbevoie, dont l'emploi est également menacé.

A Lucé, l'occupation s'est poursuivie pendant tout le week-end des 6 et 7 avril. La nouvelle semaine a commencé par une distribution de tracts aux salariés qui se rendaient à leur travail au rond-point de la route d'Orléans. Dans le même temps le plan social qui va toucher le site de Courbevoie a été connu : 28 suppressions de postes au minimum. Mais en réalité l'avenir du site, qui compte 160 personnes, n'est lui-même pas du tout assuré, et une grève était prévue le 11 avril.

Pour l'instant les salaires de février et de mars ont été débloqués et les salariés licenciés pourront toucher les indemnités de chômage... mais pas avant juillet. La solidarité est forte, tout le monde participe à l'action entreprise. Nous ne sommes plus que 65 à Lucé, mais les proches de beaucoup d'entre nous, des amis, la plupart des salariés partis dans le premier plan social ainsi que des militants de la CGT viennent nous aider.

Et puis nous faisons la démonstration que, même dans une PME, on peut se défendre et ne pas se laisser jeter sur le pavé sans rien. Alors, tous ensemble, à commencer par tous ceux qui sont victimes de plans de licenciements à travers le pays, nous pourrions changer bien des choses.

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