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Dans le monde
Hawaï : une tragédie due à la course au profit
Nous reproduisons ici l’éditorial du 20 août du journal The Spark, qu’éditent des camarades trotskystes américains.
Après les incendies de forêt qui l’ont dévastée le 8 août, la ville de Lahaina, dans l’île de Maui, ressemble à une zone en guerre que des bombes ont dévastée. De cette ville animée de 13 000 habitants, il ne reste que des cendres et des débris calcinés. Il y a plus de cent morts, et l’on découvre des corps chaque jour. Des milliers de gens ont été laissés sans toit.
Ce désastre est le pire qu’un incendie ait causé aux États-Unis depuis plus de cent ans. Et cela n’aurait jamais dû arriver.
Des rapports officiels du gouvernement local avaient bien averti, des années à l’avance, du danger croissant des feux de forêt. Maui est la proie d’une longue sécheresse. Des plantes inflammables couvrent de vastes étendues de prairies. Des vents de tempête de plus en plus forts peuvent étendre les feux toujours plus rapidement.
Les rapports recommandaient aussi les moyens de prévenir pareille tragédie : en sécurisant le réseau électrique, en fauchant toutes les plantes inflammables, en mettant à disposition des systèmes d’alarme précoce, etc. C’était évident. Et pas besoin d’experts pour le comprendre. Mais rien n’a jamais été fait pour parer à ces dangers. Cela parce que la sécurité et le bien-être de la population ainsi que la protection de la planète n’ont jamais été la première des priorités des grands capitalistes, ou des hauts dirigeants qui servent leurs intérêts. Non, pour eux, les profits des gros propriétaires fonciers, des stations balnéaires et des compagnies d’électricité passent toujours avant.
Alors que la compagnie d’électricité Hawaiian Electric a constamment augmenté ses profits et les dividendes versés à ses principaux actionnaires ces dernières années, elle n’a rien entrepris pour que son vieux réseau décrépi soit un peu plus sûr. Alors, quand, à des centaines de kilomètres de là, un ouragan engendra des vents soufflant à plus de 100 km/h sur Maui, les lignes électriques aériennes s’écrasèrent au sol, allumant des feux les uns après les autres. Des câbles électriques tombés au sol obligèrent aussi les autorités à fermer une des seules routes permettant de s’échapper de Lahaina. Nombreux étaient ceux qui se trouvaient dans leur voiture, coincés dans les embouteillages, tentant de s’en extirper, quand les flammes les rattrapèrent.
En même temps, les quelques sociétés qui possèdent la majeure partie des terres n’avaient rien fait pour couper la végétation très inflammable qui avait envahi Maui. Ce sont ces sociétés qui possédaient les grandes plantations de canne et d’ananas qui avaient dominé l’économie de Maui au siècle dernier. Après avoir rasé ces cultures, elles les remplacèrent par des stations balnéaires, des terrains de golf et des commerces, visant les touristes et les très riches cherchant à faire construire pour leurs vacances. Sur la plupart des terres qu’ils possédaient, et qui restaient non construites, les gros propriétaires fonciers laissèrent pousser de vastes étendues d’herbes qui, durant les mois d’été secs, allaient s’enflammer et propager les feux. Pour les gros propriétaires terriens, c’était une dépense inutile, qui aurait entamé leurs profits, que de remplacer ces herbes par des végétaux résistant mieux au feu ou de simplement les faucher. Ces herbes ont fourni du combustible aux feux que les grands vents attisaient. Les incendies s’étendaient à une telle vitesse qu’il était impossible d’aller plus vite qu’eux.
Les hauts responsables du gouvernement ont fait preuve du même mépris à l’égard de la population que les grosses sociétés. Ils ne se sont jamais même préoccupés de moderniser les systèmes d’alerte précoce. Ainsi, les sirènes d’alarme n’ont jamais retenti, ce qui a laissé la plupart des gens dans l’ignorance du danger d’incendie. Le personnel de certains grands hôtels était si mal informé de ce qui se passait qu’il a continué à enregistrer de nouveaux clients, alors même que d’autres clients s’enfuyaient pour sauver leur vie.
Aujourd’hui, des milliers de survivants vivent dans des abris, sans avoir nulle part où aller. D’autres ont quitté l’île pour rejoindre des amis ou des parents. Avant l’incendie, une grande partie de la population travailleuse vivait de façon précaire, devant faire face à des prix 13 % plus élevés que sur le continent de même qu’à un manque terrible de logements. Rien qu’un mois avant cela, le gouverneur Josh Green avait déclaré que l’État d’Hawaï avait les prix les plus élevés du pays en matière de logements à acheter ou à louer.
Aujourd’hui, Biden et les officiels en haut lieu assurent les milliers de familles sans abri qu’on va les protéger et qu’on prendra soin d’elles. Des mots, rien que des mots. L’histoire prouve qu’après chaque catastrophe du passé, les capitalistes ont profité de la vulnérabilité et du désespoir de la population pour accroître à bon compte ce qu’ils possèdent et pour accaparer la majeure partie de ce que le désastre obligeait à reconstruire, en augmentant la taille et le luxe de leurs stations balnéaires et de leurs programmes immobiliers, et en laissant les travailleurs dans la poussière.
Non, les catastrophes n’interrompent pas la guerre de classe que les capitalistes mènent contre les travailleurs. Les capitalistes ne se mettent pas soudain à développer de la compassion et de l’amour pour tous ceux qui travaillent et font tourner la société. Au contraire, la course des capitalistes à l’accumulation de toujours plus de richesse aux dépens de la classe ouvrière passe à la vitesse supérieure. C’est pour cela que la devise des gros capitalistes est : « Il ne faut jamais laisser gaspiller une crise. »
Une preuve de plus que la classe ouvrière n’a pas d’autre choix que de s’organiser de façon indépendante afin de se débarrasser de ce système pourri.