- Accueil
- Lutte ouvrière n°2846
- Algérie : une mise au pas qui vise les travailleurs
Dans le monde
Algérie : une mise au pas qui vise les travailleurs
En Algérie, quatre ans après le déclenchement du Hirak qui a poussé Abdelaziz Bouteflika à la démission, le pouvoir exerce une répression de plus en plus musclée à l’égard de toutes les voix dissonantes. Elle vise également les travailleurs.
En décembre 2019, après son élection, le président Abdelmadjid Tebboune promettait une « Algérie nouvelle » et affirmait vouloir tendre la main au Hirak en procédant à la libération de détenus d’opinion. Depuis, les arrestations n’ont pas cessé, des militants du mouvement, des militants associatifs, des youtubeurs, des journalistes, des responsables de médias ont été mis sous surveillance, poursuivis et incarcérés. Pour éviter son arrestation, la journaliste franco-algérienne Amira Bouraoui a fui le pays pour la France.
Les motifs d’arrestation peuvent aller d’« incitation à attroupement non armé », à « diffusion d’informations mensongères sur les réseaux sociaux » ou encore « atteinte à l’unité nationale ». Depuis juin 2021, la révision de l’article 87 bis du Code pénal permet d’accuser de terrorisme toute personne ou organisation suspectée d’« œuvrer ou inciter, par quelque moyen que ce soit, à accéder au pouvoir ou à changer le système de gouvernance par des moyens non constitutionnels ». C’est sous le coup d’une telle accusation que le MAK (Mouvement autonomiste kabyle) et le parti islamiste Rachad ont été interdits. Fethi Ghares, le dirigeant du MDS (Mouvement démocratique et social) écopait au même moment d’une peine de prison pour « atteinte à la personne du président de la République ». Les associations ne sont pas épargnées : il y a un mois, la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH) apprenait qu’elle était dissoute. L’association SOS Disparus, qui veut faire la lumière sur le sort des 23 000 personnes disparues durant la décennie noire, risque de subir le même sort.
Soucieux de satisfaire les exigences du FMI et de garantir un climat favorable aux affaires de la bourgeoisie, le gouvernement entend désormais mettre au pas les travailleurs, contrôler et museler davantage les syndicats. Deux projets de loi viennent d’être élaborés pour limiter l’exercice du droit de grève et du droit syndical.
Le gouvernement veut aussi tout simplement interdire la présence de militants politiques dans les syndicats, en rendant celle-ci illégale. Quant à la grève, le fait d’y recourir dans les secteurs considérés comme sensibles et dans les secteurs stratégiques sera lui aussi interdit et passible de poursuites judiciaires.
Toutes bureaucratiques qu’elles sont, les principales confédérations syndicales que sont l’UGTA, pourtant inféodée au pouvoir, et la CSA pour les syndicats autonomes, ont protesté contre cette attaque. Un rassemblement a eu lieu devant le siège de l’UGTA, et la CSA a appelé à se mobiliser, sans proposition plus précise jusqu’à présent. Elles déplorent l’une et l’autre que le gouvernement ait élaboré ces lois antiouvrières sans les avoir consultées et dénoncent leur caractère anticonstitutionnel, ce qui ne les empêche pas d’en appeler à l’arbitrage de Tebboune qui est pourtant à leur initiative.
Dans un contexte où ils doivent lutter pour leur droit à l’existence, il est bien sûr vital que les travailleurs défendent le droit de grève et le droit syndical, droits largement piétinés, en particulier dans le secteur privé. Mais il serait tout aussi vital qu’ils imposent que les syndicats soient contrôlés par les travailleurs eux-mêmes et non soumis aux diktats des bureaucrates qui, par bien des manières, se font les relais du pouvoir parmi les travailleurs.