Février 1943 : la victoire de l’URSS à Stalingrad15/02/20232023Journal/medias/journalnumero/images/2023/02/2846.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

il y a 80 ans

Février 1943 : la victoire de l’URSS à Stalingrad

Le 2 février 1943, la ville de Stalingrad, sur la Volga, était reprise par l’armée soviétique. Le général allemand von Paulus dut se rendre, avec 91 000 soldats affamés et sans munitions, désormais incapables de combattre et seuls rescapés d’une armée qui avait regroupé jusqu’à 300 000 hommes. C’était un tournant décisif dans la Deuxième Guerre mondiale.

Le 22 juin 1941, les troupes allemandes étaient entrées en URSS et avaient avancé rapidement, parvenant en quelques semaines aux portes de Leningrad et de Moscou. À l’automne, elles occupaient un territoire immense, où vivait 40 % de la population soviétique et qui concentrait plus de la moitié des richesses agricoles, minières et industrielles du pays.

L’effet de surprise était total. Hitler n’avait pourtant jamais caché son anti­communisme, sa volonté de détruire le régime soviétique, né de la révolution ­ouvrière de 1917, et de prendre possession de ses richesses. Mais, en digne représentant de la couche bureaucratique privilégiée qui avait accaparé le pouvoir au sein de l’État soviétique, Staline comptait exclusivement sur sa capacité à conclure des accords avec les puissances impérialistes pour garantir la sécurité de l’URSS. Après avoir noué une alliance avec la France en 1935, au nom de la « lutte de la démocratie contre le fascisme », il avait opéré quatre ans plus tard un virage à 180 degrés et signé, en août 1939, un pacte de non-agression avec l’Allemagne.

Refusant de remettre en cause ce qu’il considérait comme une brillante manœuvre diplomatique, Staline n’accorda aucune foi aux informations montrant l’imminence d’une invasion. La déroute de l’armée soviétique s’expliquait aussi par le fait que des milliers de ses cadres avaient été exécutés ou déportés, victimes des purges de la Grande terreur en 1937-1938, ce qui avait décapité le haut-commandement.

La bataille de Stalingrad

L’URSS dut son salut à l’immensité de son territoire et à la rigueur de l’hiver, mais surtout à la ­détermination des soldats et à la mobilisation de la population, des femmes qui creusèrent par exemple des tranchées autour de Moscou et de Leningrad. Ces deux grandes villes furent défendues victorieusement, au prix de combats meurtriers et d’énormes sacrifices.

Ayant échoué à prendre la capitale soviétique, Hitler crut possible de conquérir rapidement Stalingrad, ce qui lui aurait donné accès aux champs de pétrole du Caucase. En août 1942, il ordonna des bombardements massifs sur la ville, faisant 40 000 morts parmi la population civile. Un mois plus tard, l’offensive de ses troupes leur permit de prendre le centre-ville. Côté soviétique, la bataille s’engagea alors pour défendre et reprendre pied à pied chaque pierre, chaque maison, cha­que rue de Stalingrad. Civils et soldats soviétiques parvinrent à stopper l’avancée des forces allemandes au prix de combats sanglants, souvent au corps à corps, dans un dénuement effroyable.

Les soldats allemands souffraient du froid extrême car, voulant faire croire à une campagne courte, Hitler avait refusé que soient livrés les uniformes d’hiver. Alors que l’approvisionnement en équipement et en nourriture était de plus en difficile, ils mouraient par milliers, victimes de la faim, du froid et du typhus. Le 19 novembre, l’armée soviétique, qui avait reconstitué ses forces, put reprendre l’offensive, et encercla Stalingrad, prenant au piège la VIe armée commandée par von Paulus, jusqu’à ce qu’elle soit obligée de capituler en février 1943. C’était le début de la reconquête de l’ensemble du pays, les troupes soviétiques poursuivant ensuite leur progression pour repousser l’armée allemande, jusqu’à Berlin, qui allait tomber en mai 1945.

La mobilisation populaire

La population soviétique avait conscience de livrer une lutte pour sa survie, sachant que les armées allemandes se livraient à des massacres de masse dans les régions occupées. Mais sa résistance héroïque à Stalingrad, comme sur toute la ligne de front et à l’arrière, dans les usines, où les travailleurs acceptaient d’énormes sacrifices, traduisait aussi l’attachement aux acquis de la révolution d’Octobre, malgré les crimes de la dictature stalinienne. Beaucoup voulaient défendre le régime né de cette révolution encore proche, face au nazisme et à la peste brune. Principale conquête héritée de la révolution, l’économie planifiée et collectivisée permit à l’URSS de faire face à la principale puissance impérialiste d’Europe, car l’État soviétique put organiser le déplacement rapide des usines à l’arrière de la ligne de front et la reprise de la production militaire.

Tout cela existait, malgré la bureaucratie et la dictature de Staline. Cependant, pour défendre l’URSS contre l’impérialisme allemand, Staline ne pouvait envisager d’autres méthodes et d’autres moyens militaires que ceux d’une grande puissance. Le comportement de l’armée soviétique vis-à-vis des populations, dans les pays qu’elle allait conquérir, en serait marqué. Loin d’impulser une politique révolutionnaire s’adressant aux travailleurs par-delà les frontières, aux soldats par-dessus la tête de leurs généraux comme l’avait fait l’État ouvrier de Lénine et Trotsky, Staline emboucha les trompettes nationalistes de la « Grande guerre patriotique » contre l’envahisseur allemand et fit appel à la religion et à la hiérarchie de l’Église orthodoxe.

La crainte de la révolution

Pour exprimer encore plus clairement que la révolution et la classe ouvrière au pouvoir ne seraient au programme nulle part au sortir du conflit, Staline décréta en 1943 la dissolution de l’Internationale communiste et un chant patriotique remplaça l’Internationale comme hymne de l’URSS.

Le message s’adressait non seulement aux travailleurs d’URSS et du monde, priés de se ranger derrière leurs drapeaux nationaux respectifs, mais c’était aussi et surtout un geste adressé aux dirigeants impérialistes pour leur signifier que l’URSS se comporterait en allié responsable quand il s’agirait de rétablir l’ordre à la fin de la guerre.

Ébranlé après la déroute des premiers mois, le pouvoir de Staline sortit finalement consolidé de la ­Deuxième Guerre mondiale. Aux côtés de Churchill et Roosevelt, les dirigeants de la Grande-Bretagne et des États-Unis, il participa au nouveau partage du monde et au contrôle des régions libérées et des pays vaincus, prêtant main-forte aux puissances impérialistes pour écraser toute tentative révolutionnaire qui aurait pu survenir au sortir de la guerre, à l’instar de ce qui s’était produit après 1918. Tout autant que les dirigeants impérialistes, Staline craignait une telle issue qui, en renouant avec les idées de la révolution d’Octobre, aurait été fatale à son pouvoir et à celui de la bureaucratie.

La victoire de Stalingrad apporta à l’URSS un prestige dont, pour quelques années, les partis communistes staliniens profitèrent. Mais la classe ouvrière, en particulier dans les pays d’Europe de l’Est « libérés », ne tarda pas à s’apercevoir que les nouveaux gouvernements mis en place étaient, tout comme à l’Ouest, profondément antiouvriers.

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