Libye - La dictature de Kadhafi : Du nationalisme radical au ralliement à l'impérialisme23/02/20112011Journal/medias/journalnumero/images/2011/02/une-2221.gif.445x577_q85_box-0%2C9%2C172%2C231_crop_detail.png

Dans le monde

Libye - La dictature de Kadhafi : Du nationalisme radical au ralliement à l'impérialisme

Kadhafi, dont le pouvoir chancelle, était arrivé au pouvoir en 1969, à la suite d'un coup d'État conduit par des officiers inspirés par le nationalisme arabe de Nasser. Celui qui se présentait alors comme un champion du nationalisme arabe et de la lutte contre le colonialisme et l'impérialisme est donc au pouvoir depuis 42 ans.

À ses débuts, le nouveau pouvoir lança un projet d'unité arabe avec l'Égypte et la Syrie, nationalisa les banques étrangères, confisqua les propriétés des colons de cette ex-colonie italienne, tout en exerçant des pressions sur les compagnies pétrolières étrangères et en obtenant l'évacuation des bases militaires anglo-saxonnes. En 1973-1974, ce fut avec la Tunisie voisine qu'un projet d'unité fut discuté.

Kadhafi, qui voulait apparaître comme un successeur libyen de Nasser disparu, s'affirma partisan d'un confus « socialisme arabe ». Il prétendait lancer une révolution qui aurait donné le pouvoir à des comités révolutionnaires, institué une démocratie directe dans le cadre d'une forme originale d'État, la Jamahariya arabe populaire et socialiste, nom pompeux destiné à envelopper ce qui n'était qu'une dictature militaire. Kadhafi en même temps se présentait comme une alternative aux grandes puissances et à l'URSS qui lui avait refusé son soutien. Fort des revenus du pétrole, il chercha à s'attacher des mouvements nationalistes dans le monde, contesta une bande de territoire du Tchad voisin.

Pour remettre ce dirigeant à ce que les grandes puissances considéraient comme sa juste place, c'est-à-dire celle d'un État subordonné qui devait se contenter de les fournir en pétrole, celles-ci ne tardèrent pas à exercer contre lui des représailles dans l'intention de le faire plier.

En 1982, ce fut le boycott commercial de la Libye. En 1986, le président américain Reagan fit bombarder Tripoli et Benghazi pour tenter d'éliminer le dirigeant libyen. L'attaque échoua mais des centaines de civils furent tués. Kadhafi était alors l'une des « bêtes noires » de Washington.

Paradoxalement, l'attentat imputé à la Libye en 1988, contre un avion de la Panam en Écosse, qui fit 270 victimes pour la plupart nord-américaines, permit par la suite à Kadhafi de réintégrer les bonnes grâces de Londres puis de Washington. Cet attentat suivi d'un autre, en 1989, contre un appareil français au-dessus du Tchad, entraîna d'abord des sanctions de l'ONU en 1992 et 1993. Mais des tractations eurent lieu dans la coulisse. En 1998, la Grande-Bretagne accepta de reconnaître à nouveau la Libye, celle-ci venant de lui livrer deux agents impliqués dans un des attentats. Dès lors, il ne fut plus question de sanctions.

Le versement de dédommagements aux familles des victimes américaines amorça le rapprochement avec les États-Unis. La France, présentant moins d'intérêt pour la Libye, eut plus de mal à obtenir la pareille. En décembre 2003, des pourparlers secrets entre Londres, Washington et Tripoli, amenèrent le régime libyen à renoncer à des « programmes d'armement interdits par la communauté internationale ». En 2004, des relations diplomatiques directes étaient rétablies entre Washington et Tripoli.

Le soi-disant « guide de la révolution libyenne » voulait attirer sur son sol les hommes d'affaires séduits par un pétrole facile à extraire ou la perspective de grands chantiers de construction. Il accéléra la privatisation de l'économie, permettant aux représentants des gouvernements occidentaux et des grands groupes capitalistes de venir s'installer à Tripoli parmi lesquels, entre autres, les groupes français Total et Vinci.

L'affaire des infirmières bulgares, sans oublier le campement dans la capitale française, montra en Kadhafi un tyran mégalomane, avec lequel les grandes puissances impérialistes n'avaient pas de scrupule à traiter. Principal fournisseur d'hydrocarbures à l'Italie, il exauça la demande de Berlusconi de créer sur le sol libyen des camps de rétention pour les immigrants venus d'Afrique qui tentaient de passer en Europe. Le régime de Kadhafi entassait là dans des conditions terribles les candidats à l'émigration interceptés par sa police. Ce sont ces camps que Kadhafi menaçait ces jours-ci d'ouvrir, si l'Italie ne venait pas à son secours face à la révolte de son peuple.

Tel le vieux roi Idris 1er qu'il avait contribué à renverser quand il avait 27 ans, Kadhafi n'imaginait sa succession que par la transmission du pouvoir à l'un de ses fils, play-boys cyniques qui défraient régulièrement la chronique,.

Kadhafi a publié un « livre vert » imitant le « livre rouge » de Mao, et distribué à des millions d'exemplaires à la population libyenne. Le « guide » y expliquait entre autres qu'« un peuple furieux est en droit de chasser ses dirigeants ». Il ne croyait sans doute pas être aussi bien compris...

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