États-Unis - Les syndicats appellent les travailleurs à se défendre : Manifestations monstres dans le Wisconsin23/02/20112011Journal/medias/journalnumero/images/2011/02/une-2221.gif.445x577_q85_box-0%2C9%2C172%2C231_crop_detail.png

Dans le monde

États-Unis - Les syndicats appellent les travailleurs à se défendre : Manifestations monstres dans le Wisconsin

Le nouveau gouverneur républicain de l'État du Wisconsin, Scott Walker, sous prétexte de combler le déficit budgétaire, veut faire adopter par ses Assemblées législatives un projet de loi qui constitue une attaque en règle contre les 170 000 employés de l'État. Leur participation au financement de leur assurance médicale serait plus que doublée, passant de 6 % du montant des primes à 12, 6 %, et leurs salaires seraient en outre réduits de 5,8 % pour financer leur retraite !

En outre, le projet de loi en question limite les droits des syndicats. Leur reconnaissance ferait l'objet d'un réexamen tous les ans. Ils ne pourraient négocier que sur le montant du salaire de base et sous condition que les augmentations ne dépassent pas le taux officiel de l'inflation. Enfin et surtout, l'adhésion au syndicat ne serait plus obligatoire et les cotisations ne seraient plus prélevées directement sur le salaire par l'employeur.

Les syndicats en appellent à leur base

Cette dernière clause a évidemment alerté les syndicats, d'autant qu'un certain nombre d'États à majorité républicaine s'apprêtent à proposer des législations similaires. Ils ont donc appelé les employés à protester et à refuser de payer pour l'incurie des gouvernants, ouvrant une brèche au mécontentement accumulé. Par milliers et même dizaines de milliers, les manifestants ont encerclé le Parlement de l'État dans la capitale, Madison. Il y a eu 10 000 manifestants le premier jour, le mercredi 16 février, puis le lendemain 20 000, puis 30 000 le vendredi. Employés d'État et enseignants furent rejoints par des étudiants, des parents, bien des gens se disant même « inspirés par les événements en Égypte » ! Les médecins annoncèrent publiquement qu'ils donneraient des justificatifs de maladie à ceux qui voulaient aller manifester. Des milliers de manifestants s'installèrent à l'intérieur du Parlement, occupé jour et nuit. Chants et cris de « À bas la loi » retentissant dans un bruit infernal toute la journée, empêchaient toute activité parlementaire. L'arrivée samedi 19 février d'une contre-manifestation appelée par l'extrême droite, les Tea-Parties, donna lieu à une confrontation verbale encore plus sonore, alors que quelque 70 000 personnes, manifestants et contre-manifestants, se pressaient autour du Parlement.

Le Parti Démocrate à la rescousse des syndicats

Le vote du Sénat du Wisconsin devait avoir lieu le jeudi 17 février. Pour qu'il n'y ait pas le quorum et empêcher le vote, les 14 sénateurs démocrates, qui sont minoritaires, ont décidé de ne pas siéger et se sont enfuis précipitamment, avant l'heure du vote, hors de l'État, de crainte d'être ramenés de force au Parlement, se cachant dans des hôtels non loin de la frontière. Ils sont d'autant plus décidés à ne pas céder que les fonds syndicaux sont indispensables au financement de leur campagne.

Obama s'en est mêlé, critiquant cette « attaque contre les syndicats » qui empêche de mener à bien les négociations collectives, c'est-à-dire de faire avaliser les sacrifices. Il fait mine de soutenir les manifestants alors que lui-même propose de geler les salaires des employés de l'État fédéral et de s'attaquer au système des retraites.

Les dirigeants syndicaux ont appelé à des manifestations dans d'autres États, dans l'Ohio, dans l'Indiana, où ce sont plusieurs milliers de sidérurgistes, d'ouvriers de l'automobile et de syndicalistes du secteur privé qui ont entouré le Parlement de l'État. Dans cet État, les élus démocrates envisagent d'imiter leurs collègues du Wisconsin.

Le bras de fer des dirigeants syndicaux et des élus démocrates avec les gouverneurs républicains porte ouvertement depuis quelques jours sur ce problème de gros sous. Le président du plus grand syndicat d'employés du secteur public, Gerald McEntree, a affirmé que les attaques contre les employés d'État constituaient un effort évident pour tarir une source essentielle de financement du Parti Démocrate !

Dirigeants syndicaux et politiciens démocrates contre les travailleurs

Les élus démocrates du Wisconsin ont tenté de négocier avec le gouverneur par téléphone, proposant de voter les sacrifices imposés aux employés à condition que les clauses antisyndicales soient retirées. Quant aux dirigeants syndicaux, ils sont prêts au même compromis. Les quelques républicains dits modérés proposent, eux aussi comme compromis, que les restrictions contre les syndicats ne soient que provisoires et puissent être levées en 2013, c'est-à-dire après les élections générales de 2012.

Pour l'instant le gouverneur refuse avec arrogance toute modification au projet de loi et le Sénat a décidé de poursuivre ses travaux en l'absence des élus démocrates. Mais, qu'il y ait ou non compromis, il est évident que personne ne remet en question les sacrifices qui sont exigés des employés... à part les employés eux-mêmes. Il est certain que, pour défendre leur niveau de vie, il ne leur faudra pas se fier aux dirigeants syndicaux et aux politiciens démocrates. Déjà le syndicat des enseignants a appelé à la reprise du travail, alors que les enseignants représentent une grosse partie des employés d'État.

Les événements du Wisconsin montrent en tout cas que, lorsque l'occasion leur en est donnée, les travailleurs sont très nombreux à manifester leur colère et leur refus de nouveaux sacrifices. Ces manifestations massives peuvent contribuer à leur redonner confiance dans leur force, face à ceux qui s'apprêtent toujours à les vendre.

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