Yémen : Une dictature usée23/02/20112011Journal/medias/journalnumero/images/2011/02/une-2221.gif.445x577_q85_box-0%2C9%2C172%2C231_crop_detail.png

Dans le monde

Yémen : Une dictature usée

Depuis des semaines, le Yémen, comme les autres pays arabes, est le siège d'une forte mobilisation populaire contre le régime. Mardi 22 février encore, de violents heurts ont opposé des manifestants aux policiers mais aussi à des partisans du président Ali Abdallah Saleh, qui règne sur le pays depuis trente-deux ans. Les affrontements, qui ont fait douze victimes depuis le 16 février, ont frappé aussi bien Aden au sud que la capitale Sanaa, au nord.

Depuis le 21 février, plusieurs milliers de personnes tentent d'occuper une place proche de l'université de Sanaa. Auparavant, des étudiants avaient marché, à plusieurs reprises, sur le palais présidentiel mais ils ont été durement réprimés. On a vu aussi des centaines de juges se rassembler pour exiger « l'indépendance du pouvoir judiciaire » et des hausses de salaires.

Le siège de la municipalité d'Aden a été pris d'assaut par des centaines de jeunes. Des fonctionnaires y ont fait grève, réclamant le départ de leurs directeurs et une hausse des salaires.

L'homme fort du Yémen, Saleh, avait annoncé, le 2 février, le gel des amendements constitutionnels qui lui auraient permis de briguer un nouveau mandat en 2013, et affirmé qu'il ne chercherait pas à ce que son fils lui succède, mais cela n'a pas arrêté les manifestants.

Le Yémen compte 23 millions d'habitants. C'est l'un des pays les plus pauvres de la planète. Au 19e siècle, il était le théâtre d'affrontement des empires ottoman et britannique. C'est l'origine de la coupure entre un Yémen du Nord, ottoman, et un Yémen du Sud, colonie britannique. Lors du démantèlement de l'empire ottoman, le Nord devint une monarchie qui dura jusqu'en 1962, date à laquelle elle fut renversée par un coup d'État d'officiers nationalistes inspirés par le nassérisme.

Ce coup d'État engendra au Sud une guérilla se disant marxiste-léniniste et s'inspirant des exemples cubain et palestinien. Ce mouvement trouva contre lui l'Arabie saoudite, le Royaume-Uni, l'Iran du shah et, un temps, Israël, tandis que Nasser envoyait 70 000 hommes sur place pour le soutenir.

En 1967, la Grande-Bretagne lâcha Aden et le Sud-Yémen. Trois ans après, la guerre civile se termina au Nord et l'opposition républicaine donna naissance à une dictature militaire aux accents nationalistes. Au Sud c'est la guérilla qui l'emporta, devenant le Parti Socialiste Yéménite qui, imitant Cuba, distribua la terre aux paysans, nationalisa l'industrie, mit en avant l'émancipation des femmes, s'attaqua à l'illettrisme et à la maladie. Il y avait là de quoi inquiéter les autres régimes arabes.

Le Nord, soutenu par l'Arabie saoudite, s'opposa dès lors au Sud, épaulé par l'URSS. Après la fin de celle-ci, à partir de 1990, avec l'argent et la bénédiction de l'Arabie saoudite et l'accord de Washington, le Yémen fut réunifié. Les dirigeants du Sud espéraient trouver leur compte dans l'unification, mais le bénéficiaire fut surtout le président du Nord, Saleh. Pour écarter le Parti Socialiste Yéménite du pouvoir, il s'appuya sur un parti islamiste. En 1994, les dirigeants du Sud tentèrent sans succès une sécession durement réprimée. Cela renforça encore le contrôle sur le Sud et l'emprise de la loi islamique.

Une partie des anciens du PSY a choisi depuis la voie de la rébellion contre ce recul. Il existe d'autres dissidences armées, anciens alliés de Saleh ou tribus parfois influentes qui n'ont jamais admis son pouvoir central, dont certains représentants sont venus eux aussi manifester à Sanaa.

Jusqu'à présent, le dictateur a bénéficié du soutien de l'Arabie saoudite. L'existence dans ce pays d'un groupe se réclamant d'Al-Qaïda avait même renforcé le soutien des États-Unis au régime. Mais, en trente-deux ans de règne, Saleh a aussi multiplié les mécontents et la corruption de son régime est notoire. C'est tout cela qui est train de surgir maintenant.

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