États-Unis - 150 ans de prison pour Madoff : Un escroc condamné pour dédouaner les autres03/07/20092009Journal/medias/journalnumero/images/2009/07/une2135.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

États-Unis - 150 ans de prison pour Madoff : Un escroc condamné pour dédouaner les autres

Le financier américain Bernard Madoff a écopé de 150 ans de prison pour avoir escroqué plus de cinquante milliards de dollars en vingt ans. Il a plaidé coupable, échappant ainsi au procès qui aurait pu mettre à jour ses combines et ses complices.

Les membres de sa famille qui travaillaient avec lui ne sont pour l'instant pas inquiétés, à l'exception de son épouse, suffisamment au courant de ses affaires pour avoir retiré 15 millions de dollars en liquide la veille de la découverte de l'escroquerie. Mais la justice américaine sait aussi être compréhensive. Si elle a saisi les biens de Ruth Madoff, elle lui a laissé une somme en liquide de 2,5 millions de dollars. Il faut bien vivre...

Madoff promettait, et a assuré pendant un certain temps, de forts rendements aux capitaux qui lui étaient confiés. Pour cela il utilisait les placements des nouveaux déposants pour rémunérer ceux des anciens, ce qui impliquait de trouver toujours de nouveaux clients et d'entretenir une armée de rabatteurs dans les milieux qui disposent de capitaux à placer.

Mais évidemment, dans une escroquerie de ce genre, dès que trop de clients à la fois veulent retirer leur argent, dès qu'un doute s'insinue dans l'esprit des pigeons, la pyramide s'écroule. C'est ce qui est arrivé en décembre dernier sous l'aiguillon de la crise financière. Depuis, quelques milliers de rentiers pleurent après leurs millions perdus, n'ont pas de mots assez durs sur le « criminel » Madoff et réclament vengeance. Dans ce milieu, tout autant que dans l'autre, il ne faut pas toucher au grisbi.

Des grandes banques, comme la BNP, se sont aussi fait avoir dans cette carambouille. Jusqu'à quel point les institutions financières qui ont acheté et placé « du Madoff » sont-elles de bonne foi lorsqu'elles affirment avoir été trompées ? Sont-elles incompétentes, incontrôlées, ou complices ? Un procès rapide, pas de procès du tout en fait, et une sanction exemplaire évitent que la question soit posée.

Et puis, si ces grandes banques veulent bien qu'on gruge les épargnants - c'est même une partie de leur métier - elles n'aiment pas du tout qu'on les gruge elles-mêmes. Visiblement, elles souhaitaient qu'on fasse un exemple et que Madoff soit condamné vite et sévèrement. Tout le monde a bien joué le jeu, depuis Madoff qui a plaidé coupable sans faire d'histoires, jusqu'au juge qui a déclaré : « Ce n'est pas seulement une question d'argent. La confiance a été totalement brisée. » En ces temps de crise financière, il fallait montrer que l'on n'hésite pas à punir sévèrement les escrocs ; une façon de dire que les autres, ceux qui ne sont pas poursuivis par la justice, sont donc des financiers honorables et honnêtes.

Or ce qu'a fait Madoff n'est au fond guère différent de ce que font tous les jours les maîtres du système financier. Le trou laissé par la crise financière, celle des grandes banques, est évalué pour l'instant à plusieurs milliers de milliards de dollars. Et le mécanisme de la crise ressemble beaucoup à celui mis en place par l'escroc condamné. Les banques ont créé des valeurs financières appuyées sur du vent, spéculé avec, fait artificiellement monter leur cours, payé leurs traites avec de nouvelles dettes, jusqu'à ce que plus personne ne sache la valeur réelle du papier mis en circulation et que la bulle explose.

La différence avec Madoff tient en fait dans le montant de cette gigantesque escroquerie. Et surtout, si Madoff n'a escroqué que ceux qui le voulaient bien, les trusts de la finance tiennent dans leurs mains l'économie mondiale et chacun doit en passer par eux. Et, alors que les gogos floués par Madoff en sont encore à se demander vers qui se tourner pour récupérer leur mise, les États et les institutions financières internationales ont entrepris, depuis le premier jour de la crise, de renflouer les banques privées avec les deniers publics. Même si pour cela il faut ruiner l'économie entière.

Et la conséquence, ce n'est pas quelques milliers de bourgeois qui perdent leur bas de laine, ce sont des dizaines de millions de travailleurs qui perdent leurs moyens de subsister et des peuples entiers qui sont poussés dans la misère.

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