Maintenir, accroître encore la pression05/04/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/04/une1966.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

Maintenir, accroître encore la pression

Eh bien non. Pas d'essoufflement. La nouvelle mobilisation du 4 avril contre le CPE a une fois de plus dépassé toutes les attentes. Au moins autant, sinon plus d'étudiants, de lycéens et de salariés dans la rue que le mardi précédent. Moins de grévistes que la semaine passée, comme ont dit les médias? Peut-être, peut-être pas. Certains n'ont pas refait grève, mais d'autres se sont mis en grève pour la première fois. En tout cas, grévistes déclarés ou pas, les salariés étaient massivement au rendez-vous aux côtés des jeunes. Ce qui signifie une extension du mouvement qui n'a pas forcément atteint son point culminant.

Côté gouvernement, Sarkozy a pris la place de Villepin et invite les syndicats à la négociation sans plus faire du "retrait" "un tabou". Pour l'heure, le langage des confédérations syndicales reste ferme: pas question de négocier sans retrait du CPE. Mais les étudiants et avec eux beaucoup de manifestants ont été clairs: ils veulent non seulement le retrait du CPE, mais le retrait de toute la loi sur "l'égalité des chances" (qui porte bien d'autres infamies comme l'apprentissage à 14 ans et le travail de nuit dès 15 ans) et celui du CNE que le gouvernement avait fait passer en catimini l'été dernier. Eh oui, le CPE, c'est la mesure scélérate de trop qui a fait déborder la colère contre la précarité et tout son cortège d'arbitraire patronal et de surexploitation qui pèse sur la jeunesse comme sur l'ensemble des salariés.

Autant dire que si trois millions de personnes se retrouvent dans la rue à une semaine de distance, suite à deux mois de mobilisation sans faille de la jeunesse, ce n'est pas pour se contenter de simples aménagements de ladite loi, ni de reculs de forme de la part du gouvernement. Dans l'épreuve de force engagée, c'est le gouvernement qui se trouve aujourd'hui en très mauvaise posture. À remarquer que le patronat, il y a peu si arrogant, se montre aujourd'hui d'une remarquable prudence. Comme quoi, quand le rapport des forces change, les craintes aussi changent de camp.

Cette fois, en 2006, on a assisté à quelque chose de plus que les mobilisations des années précédentes qui s'étaient soldées par des échecs: la protestation n'est pas restée cantonnée à une catégorie de la jeunesse ou des salariés. Elle s'est étendue, progressivement d'abord, d'une minorité d'étudiants à la majorité, puis des étudiants aux lycéens et même aux collégiens; puis aux salariés lors des trois dernières grandes manifestations. À noter que cette extension de la mobilisation a procédé d'une volonté conscience de la jeunesse étudiante au sein de ses coordinations, lesquelles, au fil des semaines, ont gagné de plus en plus de représentativité, d'audience et d'efficacité. Et cette détermination, mais aussi cette volonté de s'adresser directement aux travailleurs et à leurs organisations, a manifestement porté ses fruits. À chaque fois, cela a permis d'élargir et de faire monter d'un cran la mobilisation.

Bien entendu, le gouvernement et le patronat espèrent encore s'en tirer sans trop de dommages en cédant juste ce qu'il faut pour que "tout rentre dans l'ordre". Eh bien, justement non. La crise sociale, la mobilisation toujours croissante du monde du travail, c'est le seul moyen de faire sérieusement reculer le gouvernement comme le patronat sur les revendications fondamentales des travailleurs. Et pour que les confédérations syndicales qui vont sans doute s'engager dans les négociations restent fermes, restent en phase avec les trois millions qui sont une fois de plus descendus dans la rue et tous ceux, bien plus nombreux encore, qui les soutiennent et les approuvent, il faut maintenir et renforcer encore la pression.

Manifestement, la jeunesse étudiante y est prête. Même en dépit des vacances scolaires (les précédentes de février ne l'avaient pas démobilisée, mais au contraire avaient permis d'étendre et renforcer le mouvement).

La coordination nationale des étudiants du week-end dernier, avait appelé les salariés à la grève générale reconductible pour le 4 avril en ces termes:

"(...) nous appelons à la grève générale reconductible dès le 4 Avril. Nous sommes conscients des difficultés pour la construire. Le mouvement étudiant n'est pas parti d'un seul coup: ce sont d'abord les étudiants de Rennes qui ont fait le pari que leur grève ferait tâche d'huile et qui ont bloqué leur université, seuls pendant une semaine. Il en ira de même chez les salariés. (...)

Nous nous engageons à soutenir le mouvement des salariés. (...) Parce que la précarité ce n'est pas seulement le CPE ou le CNE, nous nous engageons à soutenir toutes les revendications qui seront définies par les salariés en lutte, comme l'augmentation des salaires et la requalification en CDI de tous les emplois précaires par exemple. (...) Pendant les vacances de Pâques, comme pendant les vacances de février, nous maintiendrons la grève et le blocage actif des universités et lycées. Samedi 8 avril, nous appelons les organisations syndicales à coorganiser des manifestations de salariés, chômeurs, précaires, lycéens et étudiants. Le mardi 11 avril, nous proposons à tous les grévistes salariés, lycéens et étudiants ainsi qu'à toute la population de manifester simultanément dans toutes les villes de France (...).

Pour l'heure, les étudiants, mobilisés depuis deux mois, se sont fixés des objectifs qui anticipent quelque peu le degré de mobilisation des travailleurs, qui ne se sont pas mis en grève reconductible mardi 4 avril, mais qui ont néanmoins répondu présents massivement dans les manifestations, et toujours accueilli chaleureusement les étudiants et lycéens venus les rencontrer dans les entreprises ou dans les gares. Mais les étudiants ont raison en affirmant que le combat des salariés est le leur, et les travailleurs ont compris que la lutte de la jeunesse est fondamentalement la leur. Le Tous ensemble a sérieusement commencé les mardis 28 mars et 4 avril. Ce n'est surtout pas le moment de lâcher prise. Aux travailleurs de s'engouffrer résolument dans la voie ouverte par la jeunesse, dans la contre-offensive du monde du travail. Dans ce cas, le gouvernement et le patronat n'auront encore rien vu.

Huguette CHEVIREAU

Convergences Révolutionnaires n° 44 (mars-avril 2006)

Bimestriel publié par la Fraction

Dossier: L'immigration cible des démagogues.

Articles: Les jeunes plus les salariés... tout est possible - CNE, CPE... bientôt tous précaires - L'école au kärcher - Belgique: L'asile garanti... pour les capitalistes français - Allemagne: Les grèves - Espagne: Deux ans de gauche au pouvoir.

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