Tchad : Tentative de coup d'État et pétro-dollars05/04/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/04/une1966.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Tchad : Tentative de coup d'État et pétro-dollars

Les 15 et 16mars, le dictateur tchadien Idriss Déby a échappé à une tentative de coup d'État. Rentré précipitamment d'un voyage en Guinée Équatoriale de crainte d'être destitué, à l'instar du dictateur mauritanien il y a quelques mois, Idriss Déby doit son salut à l'intervention de l'armée française qui l'attendait à l'aéroport de N'Djamena et a assuré sa protection.

Ainsi, les soldats français du dispositif "Épervier", plus de 1000 hommes basés au Tchad, maintiennent au pouvoir un des dictateurs les plus honnis de cette région.

Ce n'est pas la première fois que l'armée française sauve la mise à Déby. Accroché au pouvoir après avoir évincé son prédécesseur Hissène Habré, Déby s'efforce de protéger les intérêts politiques, économiques et militaires de l'impérialisme français dans cette partie de l'Afrique. Depuis plusieurs années, le clan au pouvoir a mis en coupe réglée le pays, tandis que la population survit dans la pauvreté. La capitale N'Djamena est l'exemple même d'une ville laissée à l'abandon: peu ou pas d'infrastructures sanitaires et scolaires, une capitale sans lumière, où les trois quarts des habitants n'ont pas accès à l'eau potable.

Corrompu et dictatorial, le régime d'Idriss Déby, qui s'enrichit sur le dos de la population tchadienne, se maintient au pouvoir par la violence. Sa soldatesque fait régner la terreur dans les quartiers populaires de la capitale. Ces mêmes soudards rançonnent dans la brousse les populations paysannes, pillent les villages et exercent leur tyrannie sur les grands axes routiers, aidant, voire prenant la tête de bandes de coupeurs de route. L'armée française du dispositif Épervier reste dans ses cantonnements: elle n'est pas là pour défendre la population, mais pour garder un oeil sur les intérêts français et, du même coup, sur ceux du dictateur, protégé pour l'instant par le gouvernement de Chirac.

Il n'est pas dit cependant, s'il devient par trop impopulaire, que Déby ne soit pas remercié. Ce ne serait pas la première fois que la France ferait le choix de soutenir un autre homme fort parmi la rébellion. Elle a soutenu tour à tour Tombalbaye, Hissène Habré, un temps rebelle du Tibesti puis revenu bien en cour à l'Élysée, avant de tomber en disgrâce au profit d'Idriss Déby.

Or depuis des mois les désertions se multiplient, y compris dans le clan même du pouvoir. Les dignitaires de l'armée qui ont organisé la dernière tentative de coup d'État, actuellement en fuite au Soudan et au Cameroun voisins, appartiennent au premier cercle du pouvoir: ils sont de la même ethnie! Chaque jour des militaires, et pas seulement de simples soldats mais aussi des dignitaires du régime, des généraux, rejoignent la rébellion. Des membres de la garde présidentielle récemment dissoute ont également pris le chemin de l'exil.

Le régime dictatorial de Déby, soutenu à bout de bras par la France, se délite. Chaque homme fort du régime a sa chance et ses ambitions. Le Tchad est devenu depuis 2003 un producteur de pétrole, et les dollars du pétrole commencent à affluer, tandis que des fortunes s'érigent en quelques semaines. Le clan Déby, accusé d'être trop gourmand, mécontente les autres hiérarques du régime. Ainsi, contrairement à ses promesses, Déby vient de faire main basse sur le Fonds spécial pour les générations futures, c'est-à-dire les 10% des revenus pétroliers qui devaient être consacrés à la lutte contre la pauvreté dans les domaines de l'agriculture, de la santé et de l'éducation.

La Banque mondiale, qui avait financé en grande partie le pipe-line entre le gisement de Doba au Tchad et le terminal pétrolier sur les côtes camerounaises, avait fait de ce fonds un préalable à tout investissement pétrolier et s'érige en modèle de vertu. Elle a décidé le gel des avoirs tchadiens à l'étranger. On assiste là à un règlement de comptes entre bandits, tandis que les compagnies pétrolières américaines Exxon Mobil et Chevron et la compagnie malaisienne Petronas se partagent le pactole pétrolier.

Dans un contexte où les dollars du pétrole tchadien coulent à flots, il n'est pas étonnant que des barons du régime entrent en dissidence pour tenter d'accroître leur part du gâteau. Le seul absent de ce partage est le peuple tchadien, qui subit l'oppression de la Banque mondiale, des compagnies pétrolières, de la France et des dictateurs locaux.

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