Pour protéger les manifestations, Ce n'est pas sur la police qu'il faut compter05/04/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/04/une1966.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Pour protéger les manifestations, Ce n'est pas sur la police qu'il faut compter

Depuis le début du mouvement pour le retrait du CPE la police et les CRS ont procédé, à Paris, à l'arrestation de 1052 personnes, dont 590 ont fait l'objet de poursuites et 226 ont été jugées. À l'échelle du pays il y aurait eu déjà près de 2600 interpellations. Le gouvernement justifie ces condamnations par les violences qui ont marqué les manifestations, et notamment par la nécessité de réprimer l'action des "casseurs".

Que la présence de ceux-ci soit un problème, tous les manifestants le savent. Bien des jeunes manifestants ont été attaqués par des groupes de voyous, organisés visiblement pour cela, par exemple fondant sur un manifestant pour lui voler son portable, éventuellement le tabasser, en se mettant à plusieurs sur des isolés jetés à terre. Face à cela certains peuvent voir d'un bon oeil l'intervention des CRS ou des policiers en civil et ont pu même se plaindre que parfois les forces de police ne soient pas intervenues plus systématiquement.

Heureusement cela n'a pas dissuadé jusqu'à présent les jeunes de manifester. Mais peut-on s'en remettre à la seule police pour protéger un cortège de manifestants? Si celle-ci intervient, elle ne fait pas toujours le détail, on l'a vu. Les policiers ne sont guère préparés, ni soucieux de faire la distinction entre manifestants et "casseurs", même si leur ministre Sarkozy dit de le faire. Bien souvent pour les CRS tout ce qu'il y a en face d'eux doit être matraqué, comme le montre l'exemple du manifestant postier du syndicat SUD Télécoms, piétiné place de la Nation le 18 mars et tombé dans le coma.

Et ce qui est vrai pour la police l'est tout autant pour la justice qui -en utilisant la procédure de "comparution immédiate" qui permet de juger un prévenu 48 heures après son interpellation- a distribué des peines de prison à des centaines de jeunes interpellés par les CRS. Ainsi, un jeune de 24ans a écopé de deux mois de prison ferme car, le 28mars, il aurait insulté des CRS qui disent l'avoir vu leur lancer une canette. Un autre, arrêté le soir de la manifestation qui a suivi le 30mars le discours de Chirac, a écopé de deux mois avec sursis et 80heures de travaux d'intérêt général, alors que le procureur avait demandé un mois de prison ferme. Un CRS dit l'avoir vu lancer une canette vers la police, une canette qui n'a pas atteint son objectif et n'a blessé personne...

De la part de certains juges et policiers, il y a sans doute une assimilation volontaire entre manifestants et violence, assimilation qui correspond aussi à un calcul politique des gouvernants. Mais, calcul politique ou pas, le résultat est le même. Compter sur la police pour empêcher les "casseurs" d'agir contre les manifestants, et sur la justice pour les condamner, c'est prendre le risque de voir manifestants et casseurs se retrouver dans les mêmes cellules et sur les mêmes bancs des tribunaux.

La seule façon de l'éviter, c'est que les manifestants protègent eux-mêmes leurs cortèges. Ils ne devraient rien avoir à craindre, alors qu'ils sont des dizaines de milliers, pour se défendre contre les agissements de voyous qui ne sont tout au plus que quelques centaines. Ils doivent pouvoir compter sur leur nombre et leur organisation. Un service d'ordre efficace est capable de protéger un cortège, et y compris de prévoir des groupes mobiles pouvant intervenir rapidement contre ceux qui s'en prennent aux manifestants.

Alors, que ce soient des jeunes en lutte ou des travailleurs en grève, pour se protéger des violences extérieures, il faut s'organiser. C'est indispensable car on ne peut laisser l'action de quelques-uns risquer de décourager les manifestants, alors que, le mouvement contre le CPE le montre, ces manifestations qui ont rassemblé des centaines de milliers de personnes dans tout le pays ont commencé à faire reculer le gouvernement.

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