Chiraclowneries constitutionnelles05/04/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/04/une1966.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Chiraclowneries constitutionnelles

Dans son intervention télévisée du 31 mars, Chirac a théâtralement annoncé qu'il promulguait la loi dite "pour l'égalité des chances" instaurant le CPE. Mais il a aussitôt ajouté qu'il "invitait le gouvernement à prendre toutes les dispositions nécessaires pour qu'en pratique aucun contrat ne puisse être signé sans intégrer pleinement l'ensemble des modifications" que devra introduire une loi que la majorité des députés, c'est-à-dire ceux de l'UMP, sont chargés d'élaborer et de voter. C'est une façon de transférer le dossier du CPE des mains de Villepin dans celles de Sarkozy, qui préside cette UMP.

"Surréaliste", "ubuesque", les qualificatifs ont fleuri dans la foulée de cette allocution chiraquienne, qui prétendait avaliser une loi pour demander dans un même mouvement qu'on ne l'applique pas.

D'éminents juristes se sont aussitôt querellés pour savoir si cette attitude "inédite" était constitutionnelle ou si elle ne l'était pas. Il est vrai que la prise de position du président de la République, destinée, nous avait-on dit, à clarifier la situation, ne brille pas par sa limpidité, c'est le moins que l'on puisse dire. Mais si la situation dans laquelle se sont mis et le gouvernement et Chirac les oblige à ces contorsions d'équilibristes, elle n'est pas si inhabituelle qu'on nous le dit.

Pour commencer, n'est-il pas paradoxal d'intituler "loi pour l'égalité des chances" une loi qui renforce l'inégalité? Ou encore d'entendre des élus se prétendre les représentants du peuple, alors qu'une bonne partie de ce "peuple" est dans la rue, toutes générations confondues, à clamer son désaveu de ce qu'ils ont décidé? À cette occasion, est-il nécessaire de rappeler qu'il faut bien plus d'énergie, de détermination et de courage pour manifester dans la rue, pour choisir de perdre 60, 80 euros, voire plus, en faisant une journée de grève, que pour aller déposer un bulletin dans l'urne un dimanche? Une démarche qui consiste à choisir pour cinq ans, selon des règles qui faussent d'emblée la représentation, ceux qui ensuite vont se prétendre les représentants de la majorité, mais qui ne représentent en réalité qu'une minorité des électeurs et une proportion encore moins importante de ce peuple dont ils se disent les élus.

La posture prise par Chirac est effectivement d'un ridicule achevé mais, au-delà, ce sont toutes les institutions qui prétendent incarner un système "représentatif", autoproclamé "démocratique", qui apparaissent caricaturales et très loin de la réalité.

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