Belgique : Procès de quatre Rwandais accusés de génocide - les responsables du génocide ne sont pas sur le banc des accusés04/05/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/05/une-1712.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Belgique : Procès de quatre Rwandais accusés de génocide - les responsables du génocide ne sont pas sur le banc des accusés

A Bruxelles, la cour d'assises a ouvert, le 17 avril dernier, le procès de quatre Rwandais, un universitaire, un industriel et deux religieuses bénédictines, accusés d'avoir participé au génocide au Rwanda, entre le 6 avril et le 4 juillet 1994, qui fit près de 800 000 morts. Les religieuses sont notamment accusées d'avoir livré aux miliciens hutus plusieurs milliers de personnes qui s'étaient réfugiées dans un couvent.

Les limites du procès de Bruxelles

Mais il n'est pas question, dans ce procès, d'appeler à la barre les ministres des gouvernements, les généraux des armées, les grands prélats de l'Église catholique au pouvoir à l'époque, au Rwanda, en Belgique ou en France ; c'est-à-dire tous les protagonistes africains et européens qui avaient un réel pouvoir de décision et qui ont été mêlés de près ou de loin aux événements. Nombre d'entre eux ont une part de responsabilité dans ce qui s'est passé au Rwanda. Et c'est bien là le problème.

Le juge Vandermeersch, en charge de ce procès, n'entend pas laisser "déraper" les débats. Du coup, les débats évoquent à peine les responsabilités de l'ancienne puissance coloniale belge, de la France depuis l'opération Turquoise, et de l'Église catholique. Le parquet et le ministère de l'Intérieur belges ont pris soin de verrouiller l'ensemble du procès puisque, sur dix affaires qui devaient être instruites concernant le génocide, trois seulement ont été retenues. Les affaires gênantes pour le gouvernement belge ont été écartées. Notamment celles concernant l'assassinat des dix parachutistes belges, au tout début du génocide par les milices hutus, qui entraîna le retrait des troupes belges de la Minuar (Mission des Nations Unies pour l'assistance au Rwanda), livrant les populations tutsis à leurs tortionnaires. L'ouverture d'un tel dossier aurait sans aucun doute mis dans l'embarras la hiérarchie militaire belge.

On juge donc aujourd'hui à Bruxelles des hommes et des femmes qui ont commis -ou aidé à commettre- des crimes atroces et, selon toute vraisemblance, ont été des acteurs actifs du génocide. Mais en définitive, ce ne sont là que les exécutants.

Les responsables du génocide sont toujours en liberté

Ceux qui ont planifié le massacre à grande échelle de toute la population Tutsis et des Hutus modérés, comme Agathe Habyarimana, la veuve du président rwandais assassiné, l'une des "têtes pensantes" du clan des ultras hutus, ou les "idéologues" de la radio Mille collines qui appelaient au meurtre, et bien d'autres encore, ne sont pas inquiétés. Ils ont contribué à organiser les sinistres "Interahamwes" (miliciens hutus du Mouvement révolutionnaire national pour le développement -MRND-, parti unique du président Habyarimana). Rapatriés par avion militaire français au lendemain même des premiers massacres, nombre d'entre eux coulent aujourd'hui des jours paisibles qui en Afrique, qui en Europe, qui en France.

A l'époque, François Mitterrand avait fait porter des fleurs à Agathe Habyarimana lors de son arrivée à Paris. Il avait reçu au cours du mois d'avril 1994, donc en plein génocide, deux responsables des massacres, respectivement leader du parti raciste CDR et ministre des Affaires étrangères du gouvernement intérimaire hutus. Les politiciens corrompus, les hiérarques militaires, les dignitaires catholiques rwandais ont distillé la haine pendant des années à tous les échelons de la société, organisé des pogroms anti-Tutsis jusqu'au génocide de 1994. Ils seront absents du procès de Bruxelles. Tout comme seront absents les responsables européens, notamment français, qui les ont soutenus.

La complicité de l'impérialisme français

En 1990, l'armée française avait sauvé le régime dictatorial d'Habyarimana, menacé par l'offensive militaire des Tutsis du Front patriotique rwandais (FPR) de Paul Kagamé, appuyé par l'Ouganda voisin. De 1990 à 1993, le gouvernement français soutenait politiquement, financièrement et militairement le clan Habyarimana qui préparait au grand jour le massacre, multipliant les arrestations et les tueries sans que les militaires français, installés sur place, ne bronchent.

L'armée française à Kigali pratiquait l'alliance avec le pouvoir hutus, en particulier avec les Forces armées rwandaises (FAR), l'armée officielle de la dictature, lui apportant armes, instruction et soutien logistique. Cette aide a continué au plus fort des massacres. En dépit des dénégations du gouvernement français, il est aujourd'hui établi que l'armée française a encadré son homologue rwandaise.

Utilisant des circuits parallèles, l'impérialisme français a continué à approvisionner en armes et en munitions les FAR et les milices ultras du Hutu Power. Lorsque les troupes armées du Front patriotique rwandais (FPR) (à majorité tutsis) sont finalement entrées dans Kigali, la capitale, renversant la dictature du clan Habyarimana et provoquant la fuite désordonnée des milices du Hutu Power, l'impérialisme français -qui s'était jusque-là abstenu- est intervenu militairement dans le cadre de "l'opération Turquoise", opération qui a consisté à créer une "zone de sécurité" sur le territoire du Zaïre voisin pour soi-disant protéger la population hutus qui fuyait face à l'avance de l'armée tutsis du FPR. L'impérialisme français a ainsi sauvé ce qui restait du pouvoir hutus. Sous la protection directe de l'armée française, les milices ultras hutus ont pu continuer à semer la terreur dans les camps de réfugiés, racketter la population civile hutus prise en otage, organiser la guerre contre le nouveau pouvoir installé au Rwanda, et contribuant à déstabiliser un peu plus la région des Grands Lacs.

Alors, le principal procès à faire est celui de l'impérialisme, et en particulier de l'impérialisme français.

Partager