Espagne - Madrid : Les ouvriers de Sintel en lutte04/05/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/05/une-1712.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Espagne - Madrid : Les ouvriers de Sintel en lutte

Depuis le 29 janvier, les ouvriers de l'entreprise Sintel campent sur l'avenue de la Castellana, en plein centre résidentiel de Madrid, en face du ministère des Sciences et de la Technologie. Ils en sont à trois mois de lutte pour exiger les paiement de leurs salaires. Depuis 1997, ils connaissent suppressions d'emplois, plans de licenciements et, depuis juin 2000, les salaires ne sont plus versés !

Les 1 800 ouvrières et ouvriers ont décidé de s'installer en face du ministère et à côté de leur entreprise-mère : le grand trust des télécommunications, la Telefonica.

Ils ont construit un véritable village avec des tentes de camping, des bâches et des chalets en bois. L'eau et la lumière sont pris sur la voie publique et ils utilisent leurs connaissances en télécommunication pour organiser toute l'infrastructure et les contacts.

Près d'un millier d'entre eux vivent là avec douches, toilettes... Ils sont décidés à résister et à camper jusqu'à l'obtention de leurs salaires en retard et le maintien de l'ensemble des emplois.

Une pancarte annonce le campement. On y lit : "Monsieur le ministre, joyeuses fêtes !" Les femmes et l'ensemble des familles participent activement. Manifestations, assemblées dans d'autres entreprises et dans des quartiers ouvriers se sont multipliées. Le soutien de nombreux travailleurs se manifeste sous diverses formes : collectes, de la nourriture donnée par des travailleurs des grands magasins, visites en délégation du campement et discussions nombreuses.

Pour le 5 mai, les travailleurs du grand magasin Corte Inglès préparent sur une des grandes avenues des quartiers chics de Madrid, la Castellana, une fête, à la manière des fêtes sévillanes... mais une fête ouvrière sans riches et sans fils-à-papa !

Jusqu'à présent, la presse a fait le black-out sur la lutte de ces travailleurs, se contentant de quelques lignes dans les grands quotidiens et quelques secondes sur deux chaînes de télévision. Et comme le disait la femme d'un ouvrier, interrogée par la télévision : "Ils coupent lorsqu'on dit que les capitalistes nous volent et qu'on n'est pas les seuls à être volés. Ils ne gardent que les phrases qui provoquent l'apitoiement".

L'entreprise Sintel, entreprise de la branche des télécommunications, était auparavant une filiale de la Telefonica. Elle a été séparée de la maison-mère en 1990 et transformée en une entreprise de sous-traitance.

Les liens juridiques avec les travailleurs de Telefonica furent rompus et l'emploi y est devenu de plus en plus précaire.

En 1996, Sintel a été vendue à un industriel cubain de Miami, Mas Canosa, connu pour son anticastrisme et lié à la mafia cubano-américaine. La vente fut réalisée pour 18 milliards de francs. Telefonica n'en a encaissé que trois et s'est approprié le patrimoine immobilier de 85 milliards pour non-paiement de la part de Canosa.

Il devient ensuite bien difficile de s'y retrouver dans les magouilles des financiers, de la Telefonica et du gouvernement, mais les bénéfices de Sintel, qui furent constants et importants entre 1996 et 1999, sont partis dans les poches d'affairistes et de politiciens, plaçant l'entreprise en suspension de paiement.

Aujourd'hui, les 1 800 travailleurs de Sintel disent non au vol du fruit de leur travail et sont bien décidés à aller jusqu'au bout. Cette lutte regroupe des travailleurs venus des quatre coins du pays, Andalous, Basques, Catalans, Asturiens, Galiciens, et qui se retrouvent dans ce petit village ouvrier implanté en plein coeur de Madrid, dans le quartier le plus riche de la ville, au pied des ministères et des sièges sociaux des grandes entreprises.

Ils montrent, à leur façon, qu'il existe des travailleurs qui ne se résignent pas.

Partager