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Dans les entreprises
ST Microelectronics : Une lutte pour les salaires
ST Microelectronics est le sixième fabricant mondial de semi-conducteurs, avec un chiffre d'affaires de 56 milliards de francs en 2000 (en progression de 55 % par rapport à 1999), et qui a réalisé un bénéfice net légèrement supérieur à 10 milliards de francs (en progression de 165 % par rapport à 1999). Les résultats du premier trimestre 2001, récemment publiés, sont quant à eux aussi en progression à deux chiffres.
Le groupe emploie 43 000 salariés à travers le monde, dont environ 9 000 en France. Les semi-conducteurs sont les composants de base dans les systèmes électroniques : téléphones portables, PC, le son, la vidéo, les cartes à puce, etc.
Un numéro de septembre 2000 de L'Expansion citait ST comme la deuxième société en France pour la distribution de stock-options à ses dirigeants. En 2000, pour 730 d'entre eux, la plus-value potentielle a été de 7 millions de francs chacun, et de 92 millions chacun pour 18 autres (le "staff" du PDG, Pistorio). Plus que du beurre dans les épinards, un vrai capital ! Et puis, fin 1999, des signes de récession apparaissant aux Etats-Unis, les fabricants de matériel électronique, anticipant la crise, décident des mesures de restriction budgétaire.
Au début de cette année, la direction a annoncé des restrictions dans les mesures salariales (3 % d'augmentation en masse, au lieu de 5 % comme l'année dernière, avec report des augmentations de 3 mois pour les ingénieurs et cadres) et des menaces sur les emplois des CDD qui représentent 20 à 30 % des effectifs en production.
Devant cette attitude, le site de Rousset près d'Aix-en-Provence (3 000 salariés majoritairement en production) y a débrayé dès le 16 mars contre la modération salariale, réclamant 1 000 francs d'augmentation et la titularisation des CDD. Après deux semaines, les syndicats se sont divisés, FO se satisfaisant de quelques miettes concernant les salaires et de vagues promesses sur la tenue "d'une commission qui examinera dans la transparence chaque cas de non-renouvellement de CDD ou de non-titularisation de CDD en CDI". Pour la CFDT et la CGT, il était clair qu'il fallait rester mobilisé.
A Crolles, un site de production similaire dans la région grenobloise (2 000 salariés), dès le 21 mars, des débrayages se sont multipliés,avec les mêmes revendications qu'au Rousset. Les augmentations qui étaient prévues par la direction, qui étaient de l'ordre de 160 à 380 francs, pour une grande majorité moins de 300 francs, étaient loin du compte. La direction proposait de discuter dans quelques mois de l'évolution de carrière des équipiers. Le 10 avril, une centaine de grévistes diffusèrent un tract devant le site. La direction, craignant la contagion, a détourné la circulation pour empêcher l'équipe de l'après-midi de rencontrer les grévistes du matin.
Depuis, l'ambiance a un peu changé, la crainte devant la hiérarchie faisant place à la colère.
A Grenoble, le site regroupe également 2 000 salariés, essentiellement des ingénieurs et cadres, et une centaine d'opérateurs en équipe. La direction a décidé de distribuer des stock-options aux deux tiers de ces cadres (de 200 à 1 000 pour les cadres de base) à la tête du client, tout comme les augmentations. Cela n'a pas empêché la tenue de plusieurs AG de parfois 50, voire 200 salariés (dont certains "stock-optionnés"), pour préparer des débrayages comme à Crolles et au Rousset. Des représentants des équipes étaient aussi présents. Un noyau s'est constitué, regroupé par la CGT et la CFDT, qui s'est baptisé "collectif de salariés". Beaucoup parmi eux sont de jeunes embauchés n'ayant jamais connu de mouvement collectif. Les discussions sont allées bon train sur la politique salariale de ST, sur la politique sociale de ST dans les autres sites dans le monde. Certains se demandaient comment se faire entendre par la direction d'une multinationale. Peu de temps auparavant, six CDD ont été mis dehors à la fin de leur contrat, rapidement remplacés par quatre collègues venant d'un site nouvellement créé à Bouskoura au Maroc, officiellement pour se former.
Nous nous sommes retrouvés à distribuer un tract sur un rond-point d'accès à d'autres entreprises. Cela a fichu une belle pagaille et malgré le retard que nous imposions aux travailleurs d'autres entreprises, l'accueil était plutôt bon. Notre refus d'un avenir dicté par la Bourse et les profits, que ce soit notre rémunération ou nos emplois, nous valait des marques de sympathie. Nous avons ensuite discuté de la suite à donner à notre mouvement, de la nécessité d'avoir un salaire fixe. La direction, quant à elle, ne veut rien entendre, sinon discuter avec les syndicats pour mieux, dit-elle, expliquer sa politique salariale qui n'avait pas été comprise. Mais il n'est pas question d'en rester là.