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Philippines : L'ancien président arrêté pour corruption
L'ancien président des Philippines, Joseph Estrada, destitué en janvier dernier par la pression de la rue, des milieux d'affaires et de l'armée, a fini par se rendre à la justice après avoir tenté d'y échapper pendant plusieurs mois. Il est accusé notamment de différents détournements d'argent : délits d'initié à la Bourse, comptes fictifs, détournement de quelque 400 millions de dollars. Il a même empoché 60 millions de redevances sur une loterie clandestine.
Cet ancien acteur, ce qui lui avait assuré au départ une certaine popularité, était entré en fonction en juin 1998, après une campagne électorale où il s'était présenté comme le "candidat des pauvres". C'était pure démagogie. A peine élu, il se faisait donner les pleins pouvoirs sous prétexte de résister à la crise financière et économique qui ravageait alors le sud-est asiatique. Avec lui étaient revenus au premier plan des anciens partisans de l'ex-dictateur Marcos, dont le régime s'était effondré en 1986.
Estrada a tout de suite montré son vrai visage en faisant tout pour qu'on réduise une amende fiscale frappant un affairiste local, Luci Tan.
Quand il a fallu faire face à la fermeture de plus de 1 300 entreprises et à 5 millions de chômeurs (officiels) en 1999, l'ancien acteur n'a rien fait pour s'opposer aux décisions du patronat. Il s'en est suivi une forte dégradation des conditions de vie des masses pauvres, puisque désormais un Philippin sur cinq survit dans des petits boulots, dans un pays qui compte près de 73 millions d'habitants.
Pour mieux préserver les intérêts des possédants, le président corrompu, et surtout son entourage, a maintenu une politique d'austérité qui a jugulé l'inflation, rassurant un temps les banquiers qui prêtent de l'argent aux Philippines.
Mais, aux yeux des classes dirigeantes, il est apparu comme dépassé par le regain d'activité des différentes guérillas en 1999, tandis qu'en politique extérieure, ses réactions intempestives, notamment vis-à-vis de la Chine, inquiétaient les Etats-Unis qui n'avaient pas l'intention de laisser qui que ce soit risquer de modifier les équilibres de la région.
En janvier 2000, Estrada a essayé de se maintenir en selle en se débarrassant des hommes politiques et conseillers dont il était entouré. Cette épreuve de force a débouché sur sa mise à l'écart par une décision du sénat en avril 2000. La justice philippine vient de se décider à engager des poursuites contre lui.
La nouvelle de son arrestation a fait descendre dans la rue une partie du petit peuple. Certains restent sous le charme de l'ancien acteur et de ses promesses non tenues. Il est vrai qu'au cours de ses 31 mois de pouvoir, il ne rechignait pas à recevoir des petites gens dans son palais présidentiel, pratiquant une sorte de clientélisme direct.
Une partie de la population pauvre est sous l'influence d'une secte religieuse, dont le dirigeant était l'allié d'Estrada. Etant lui aussi cité dans une affaire de détournement de fonds, il a voulu montrer qu'il ne restait pas sans influence et qu'il entendait monnayer celle-ci contre son impunité. On ne doute pas que les magistrats philippins en tiendront compte.
En finir avec la corruption des classes riches, sortir la grande masse des pauvres de la misère, ce sont des thèmes qui permettent peut-être à des aventuriers comme Estrada, ou à des politiciens comme la nouvelle présidente Arroyo, de se faire élire. Ce qui montre que la différence entre un politicien et un aventurier dans un pays comme les Philippines, mais aussi dans d'autres pays, reste bien mince.
Pour s'émanciper des formes que prend la dictature de l'argent, seule la révolution des ouvriers et des paysans pourrait le permettre. Mais pour cela, les travailleurs pauvres ne doivent croire ni en dieu, ni en césar, ni en un tribun, ni dans des saltimbanques affairistes.