Santé : Le succès des sages-femmes ouvre-t-il la voie à un mouvement plus large dans la santé ?04/05/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/05/une-1712.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Santé : Le succès des sages-femmes ouvre-t-il la voie à un mouvement plus large dans la santé ?

Le mouvement de grève des sages-femmes s'est peut-être conclu vendredi 27 avril avec les dernières propositions de Bernard Kouchner. Les sages-femmes ont obtenu des assurances sur une modification de leur statut, sur l'affirmation du caractère médical de leur profession. Celles qui exercent en libéral verront une modification de la tarification des actes qu'elles exécutent, et celles qui sont dans le public une renégociation de leur grille salariale ainsi que la revalorisation d'une prime nommée désormais "prime de responsabilité médicale".

Sommes-nous tous des sages-femmes ?

Cette grève a pris place dans la série de mouvements qui touchent le secteur de la santé depuis un an. L'autre point culminant de cette agitation avait été, il y a quelques mois, la grève des infirmières anesthésistes et de celles de salle d'opération. Mais les hôpitaux ont aussi vu descendre dans la rue les cadres, dont le mouvement a été moins médiatisé, et le personnel ouvrier, que la presse a presque totalement ignoré. Devraient suivre les aides-soignantes, les agents hospitaliers et les auxiliaires de puériculture.

Tous ces mouvements ont eu des points communs sur le plan des revendications : les salaires, qui sont en panne depuis bien des années, et la pénurie d'effectifs. Celle-ci découle de la politique du gouvernement qui applique des critères de rentabilité et calcule les emplois au plus juste. Au point qu'il a du mal aujourd'hui à trouver des infirmières et certains spécialisés que les écoles ont formés en nombre insuffisant dans la période précédente. Les différentes catégories qui se sont affrontées à l'État ont réagi à juste titre contre sa politique.

Toutes les raisons du "tous ensemble"... et pourtant !

Les motifs communs de se battre auraient dû conduire le personnel des hôpitaux à s'engager dans une lutte générale intercatégorielle. Mais chaque catégorie a cru bon de relier ses revendications à la reconnaissance de son rôle propre. Ce fort sentiment catégoriel s'appuie sur l'idée que le ministère n'acceptera pas de céder beaucoup ni pour tout le monde, puisqu'il mène une politique systématique de contrôle des coûts. Il semble donc plus réaliste d'entrer dans son jeu et de ne réclamer d'améliorations qu'en raison du caractère soi-disant particulier de sa profession.

La reconnaissance a donc pris le premier rang dans les mots d'ordre, sous des formes plus ou moins caricaturales : les cadres mettent en avant leur "souffrance", les sages-femmes se targuent d'effectuer plus d'accouchements que les obstétriciens, et les infirmières anesthésistes se baptisent les "copilotes" des interventions chirurgicales.

Les halls et les entrées d'hôpitaux ont vu fleurir successivement des banderoles de catégories, tandis que la plupart du temps les grévistes évitaient de se montrer au reste du personnel, confinés dans leur lieu de travail transformé en QG de grève. Non seulement chaque catégorie ne sentait pas le besoin de s'adresser aux autres, mais même le plus souvent s'y refusait avec obstination. Evoquer simplement une autre catégorie à la tribune d'une assemblée générale pouvait parfois conduire à se faire rabrouer ou huer.

Un calendrier prévu par le gouvernement.

Les syndicats ont chevauché comme ils l'ont pu ce mouvement, se taillant au moins une place au moment des négociations. Dans certaines conversations ou certains tracts, ils déploraient le corporatisme des grévistes ou émettaient le souhait que tout le monde s'y mette ensemble. Mais sans mettre leur poids pour parvenir à une unification des luttes. Au contraire !

En réalité, l'agitation des différentes catégories ne fait que suivre un calendrier fixé au début de l'année 2000 par le ministère. Celui-ci avait planifié depuis longtemps des négociations sur les grilles salariales des divers métiers, pour céder le moins possible et de façon étalée dans le temps. Il avait au préalable tracé un cadre lui permettant de prévenir un mouvement d'ensemble. Grâce en particulier aux organisations syndicales, ce plan semble jusqu'à présent réussir.

Cette lutte d'ensemble reste nécessaire et possible.

Mais il n'est pas dit que les succès partiels enregistrés par les uns ou les autres ne leur donneront pas envie d'aller plus loin. Obtenir une augmentation salariale n'empêche pas par exemple de se heurter à toutes les conséquences du manque d'effectifs ou des restructurations. Et, sur ce plan, la politique de l'État ne va pas changer.

Quant au plus grand nombre, qui n'a rien obtenu, il pourrait à son tour se sentir en mesure d'exiger augmentations et embauches, en se débarrassant des entraves de la "reconnaissance" et du corporatisme.

Le gouvernement lui-même en fournit l'occasion en entamant partout dans la Santé les négociations sur la mise en place des 35 heures. Son intention est d'embaucher le moins possible et de faire porter le poids de la mesure sur les soignants, tous confondus. En provoquant tout le monde, il pourrait réaliser l'unification des mécontentements contre lui.

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