Italie : cinq ouvriers tués dans une tragédie ferroviaire06/09/20232023Journal/medias/journalnumero/images/2023/09/2875.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Italie : cinq ouvriers tués dans une tragédie ferroviaire

Dans la nuit du 30 août, cinq ouvriers qui travaillaient sur la voie ferrée qui relie Milan et Turin sont morts, fauchés par un train. Nous reproduisons ci-dessous l’article de nos camarades de l’Internazionale (Italie-UCI)

Les premières enquêtes et les premiers témoignages montrent que l’impératif « d’aller vite » a fortement conditionné, sinon déterminé, l’enchaînement des événements ayant conduit au drame. Les entreprises sous-traitantes doivent en effet exécuter le travail au plus vite, sous peine de se voir infliger des pénalités financières et pour pouvoir se ruer sur d’autres chantiers, à leur tour soumis à la même logique de rapidité. Mais dans le monde complexe de la circulation des trains, tenter de trouver des raccourcis aboutit le plus souvent à la catastrophe. Avant de « faire vite », il faudrait pouvoir « bien faire ».

Un siècle et demi au moins d’histoire des chemins de fer a permis la maîtrise de connaissances techniques et pratiques traduites en un système réglementaire qui, autrefois, représentait la meilleure garantie de sécurité pour les voyageurs comme pour le personnel des trains et les ouvriers intervenant sur les voies et les lignes électriques.

Aujourd’hui, la généralisation de la sous-traitance et les impératifs de sauvegarde des profits qu’elle comporte ont entraîné en pratique une déréglementation presque systématique. C’est la réalité qu’illustrent aussi les témoignages de plusieurs ouvriers entendus dans le cadre de l’enquête menée par le parquet d’Ivrea. Mais, de ce point de vue, l’entreprise pour laquelle travaillaient les cinq ouvriers tués au travail, la Sigifer de Borgo Vercelli, dans le Piémont, n’est ni pire ni meilleure que les autres.

On y travaille au-delà des horaires prévus, on y travaille surtout avant que l’arrêt du trafic soit confirmé, on y travaille en sous-effectif, en profitant de contrats qui permettent d’échapper aux limitations légales de durée de la journée de travail.

À l’annonce du drame, les principaux syndicats ont appelé à un débrayage de quatre heures, en le limitant toutefois aux travailleurs de RFI, la branche des Ferrovie dello Stato (l’équivalent de la SNCF) qui gère les infrastructures ferroviaires. Les syndicats de base ont quant à eux appelé tous les cheminots à une grève de 24 heures. La Commission de garantie (organisme créé en 1990 pour limiter le droit de grève des services dits essentiels, dont les transports en commun) a riposté par un appel au « sens des responsabilités » des organisateurs, en leur demandant de se contenter du débrayage de quatre heures promu par les confédérations, « afin de ne pas aggraver les lourdes répercussions sur la circulation ferroviaire ». Quel culot ! Où est le sens des responsabilités d’entreprises qui envoient leurs ouvriers travailler sur les voies sans même un ordre écrit y autorisant l’ouverture d’un chantier ?

À Vercelli, où se trouve le siège de Sigifer, 2 000 personnes ont manifesté le 4 septembre. Les dirigeants syndicaux présents, les travailleurs interrogés ont revendiqué à juste titre davantage de contrôles sur les entreprises, la responsabilisation des donneurs d’ordres, l’application des contrats de branche aux ouvriers de la sous-traitance, etc. Les proches des victimes ont crié que les cinq ouvriers avaient été tués par la recherche du profit. La tragédie de Brandizzo en est effectivement le résultat, mais elle est aussi, et il faut le dire, le tragique reflet de la faiblesse actuelle de l’organisation ouvrière. Une faiblesse qui se traduit par le nombre d’accidents et de morts au travail, autant que par les bas salaires. C’est sur cette faiblesse que la bourgeoisie italienne construit ses « succès ». Moins risquer sa vie, et donc moins la perdre au travail ne peut être que le résultat d’un rapport de force favorable aux travailleurs, un rapport de force qui est à reconstruire, sur le terrain.

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