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Ukraine : Zelensky, son ministre corrompu et son parrain mafieux
Annonçant un mini-remaniement ministériel le 3 septembre, le président ukrainien Zelensky a déclaré à propos du départ de son ministre de la Défense, Reznikov : « Il a traversé plus de 550 jours de guerre […]. Je crois que le ministère a besoin de nouvelles approches […] tant avec l’armée qu’avec la société civile au sens large. »
Présenter la chose comme s’il fallait libérer ce ministre, épuisé par la guerre passée loin du front, il fallait oser. Mais Zelensky ne pouvait pas avouer qu’il avait nommé et maintenu en place un ministre archicorrompu. Car ses « approches » et celles de ses subordonnés consistaient en la mise en coupe réglée du budget militaire, dont une part de l’aide financière de l’OTAN à l’Ukraine, et l’extorsion de pots-de-vin à la fraction masculine de la population qui peut payer pour se soustraire à l’armée.
Dernière en date des affaires de corruption à l’échelle d’une armée d’un million d’hommes, où Reznikov est en cause : la fourniture de vestes de combat d’hiver à des prix multipliés par trois. En 2022 déjà, il avait organisé l’achat d’uniformes à prix gonflés.
Depuis des mois, lui et son ministère défraient la chronique de la corruption. En janvier, il y a eu la révélation de l’achat en gros de nourriture pour l’armée à des prix doubles ou triples de ceux pratiqués au détail. Son vice-ministre et d’autres hauts responsables ont alors sauté. Reznikov, lui, a tapé sur les services anti-corruption de son ministère qui auraient « failli à leur tâche ».
En août, tous les chefs des centres régionaux de recrutement ont été limogés par Zelensky. Eux et leurs sous-fifres vendaient les moyens d’échapper à la guerre. Des médias ont révélé leurs tarifs : 5 000 dollars pour un certificat médical de complaisance, 10 000 pour partir légalement à l’étranger… Des officiers enrichis dans ces combines ont atterri en prison. Mais cela n’a pas tari l’appétit de leurs remplaçants ; les risques augmentant, les tarifs auraient doublé.
Zelensky, qui vient d’autoriser l’enrôlement de soldats atteints de tuberculose et autres maladies graves, a dit que le haut état-major lui réclamait d’intensifier la conscription. C’est que les pertes de la guerre ont laminé l’armée, qui pâtit en outre du départ à l’étranger de centaines de milliers de mobilisables. Un journal autrichien a calculé qu’avec tous les Ukrainiens de 18 à 60 ans vivant en Autriche, on pourrait former une division ! C’est la même chose en République tchèque. Quant à l’Allemagne, elle héberge plus d’un million d’Ukrainiens, dont beaucoup d’hommes : cela fait combien de divisions potentielles ?
Pour défendre son régime, Zelensky veut toujours plus de soldats. Mais il doit faire aussi avec la rapacité de la bureaucratie civile et militaire, base sociale de son régime. Elle s’affiche patriote car la guerre lui offre une formidable occasion d’engranger dollars et euros. Mais en même temps, sa cupidité trop visible fragilise son soutien par la population. Cela pose un problème à Zelensky mais aussi à ses parrains occidentaux. En effet, la corruption généralisée de son régime fait tache sur l’image idyllique qu’ils voudraient en donner au monde. Et surtout, ils attendent de ce régime qu’il s’arrange comme il veut, mais qu’il se batte pour leurs intérêts avec la peau du dernier Ukrainien.
Le chef d’état-major interarmées américain Mark Milley vient de le rappeler, qui a déclaré au Washington Post que l’Ukraine allait se voir confrontée à « une guerre longue et très difficile avec de lourdes pertes ».
Pour que la population l’accepte le plus longtemps possible, Zelensky doit sacrifier de temps en temps des boucs émissaires, tel le ministre de la Défense. Il y a aussi le plus riche oligarque du pays, Kolomoïsky, qui vient d’être arrêté. Il avait pourtant fait la carrière de Zelensky, en le lançant dans un feuilleton populaire sur sa chaîne de télévision, puis en le faisant élire à la présidentielle en 2019, attendant de lui qu’il récupère ses entreprises situées dans le Donbass occupé par la Russie.
En traînant son parrain en justice, Zelensky fait un geste vis-à-vis de Washington car le FBI considère Kolomoïsky comme un des chefs de la mafia ukrainienne. Quant à faire que la population ukrainienne voie là la preuve de l’indépendance de Zelensky à l’égard des oligarques mafieux, et des bureaucrates véreux commeReznikov, ce n’est pas sûr.