La censure pendant la guerre d'Algérie22/03/20122012Journal/medias/journalnumero/images/2012/03/une2277.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

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La censure pendant la guerre d'Algérie

À l'occasion du cinquantième anniversaire de la fin de la guerre d'Algérie, les éditions de Minuit rééditent six livres épuisés ou qui avaient été saisis lors de leur parution, entre 1957 et 1962. Sur les vingt-trois ouvrages publiés à cette époque contre « l'oreiller du silence » qui étouffait les exactions des militaires français, douze furent saisis et l'un d'entre eux donna lieu à un procès.

Avec François Maspéro, Jérôme Lindon, le directeur des éditions de Minuit, fut l'un des rares éditeurs à oser publier des écrits qui dénonçaient les assassinats et les tortures pratiquées par les militaires, en Algérie d'abord puis en France. Bien sûr, affirmait-il, « ce que nous risquions, c'était la saisie, au maximum la ruine ». Il n'empêche qu'il fallait avoir le courage d'affronter un pouvoir décidé à interdire en métropole toute opposition à cette sale guerre coloniale, fût-elle limitée à des écrits, et qui poursuivait les éditeurs en justice pour « trahison à la patrie » !

Et le pouvoir pendant cette période, ce n'était pas uniquement de Gaulle mais aussi, avant lui, le président du Conseil socialiste Guy Mollet, ou le radical Félix Gaillard. C'est sous le gouvernement de ce dernier que fut saisi en mars 1958 le livre d'Henri Alleg La question, dans lequel il relate les tortures qui lui furent infligées l'année précédente par des parachutistes. De Gaulle n'eut qu'à poursuivre dans cette voie, saisissant La gangrène, témoignage de cinq Algériens torturés au siège de la DST, à Paris. Condamné pour Le déserteur de Jean-Louis Hurst, livre aussitôt interdit, Jérôme Lindon contourna la censure en publiant les minutes du procès, ce qui était alors autorisé par la loi, dans Provocation à la désobéissance.

La censure ne se limita pas à des livres, elle s'en prit aussi à la presse et au cinéma, où sept films furent officiellement interdits par le pouvoir. Les signataires du Manifeste des 121, intellectuels qui s'opposaient au colonialisme français en appelant à l'insoumission, furent de même interdits à la radio et à la télévision. Et aujourd'hui encore, cinquante ans après, un historien, Guy Pervillé, enseignant à l'université de Toulouse-Le Mirail, a vu 80 % de son article supprimé lors de sa parution dans un recueil des Archives de France (organisme dépendant du ministère de la Culture), sous prétexte qu'il ne fallait pas « risquer de rouvrir d'anciennes blessures ».

Même si de nombreux ouvrages sur la guerre d'Algérie ont été publiés ces dernières années, « l'oreiller du silence » que dénonçait Pierre Vidal-Naquet n'a pas disparu.

Marianne LAMIRAL

[Outre les titres cités, les autres livres réédités par les éditions de Minuit sont : Itinéraire, de Robert Bonnaud, Les belles lettres, de Charlotte Delbo et Le désert à l'aube, de Noël Favrelière. Leur prix est compris entre 9 et 12 euros.]

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