Il y a cinquante ans, le 19 mars 1962, les accords d'Évian : Une indépendance que le colonialisme français fit payer cher au peuple algérien22/03/20122012Journal/medias/journalnumero/images/2012/03/une2277.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

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Il y a cinquante ans, le 19 mars 1962, les accords d'Évian : Une indépendance que le colonialisme français fit payer cher au peuple algérien

Il y a cinquante ans, le 18 mars 1962, étaient signés les accords d'Évian entre le gouvernement français et le FLN, le Front de libération nationale algérien, accords dont le premier terme était la mise en place d'un cessez-le-feu dès le lendemain. Ainsi allait prendre fin cette guerre coloniale acharnée que l'armée française mena de l'autre côté de la Méditerranée, sous les ordres des derniers gouvernements de la IVe République, à direction ou à participation socialiste d'abord, puis sous ceux de De Gaulle, avec son cortège de villages bombardés, rasés, de populations déportées ou massacrées, de viols et d'exécutions sommaires.

Le peuple algérien obtenait le droit à l'indépendance politique : c'était la fin de l'oppression nationale et, avec elle, une nouvelle dignité. Une indépendance politique qui lui avait coûté très cher : peut-être un million de morts, près du dixième de sa population, et un million de personnes internées dans les camps. Les contreparties aussi étaient lourdes car, si la bourgeoisie française dut céder, elle réussit malgré tout à maintenir une certaine dépendance économique de l'Algérie.

Huit années de guerre

Ces huit années de guerre avaient coûté cher aux deux millions de jeunes Français, appelés et rappelés, qui durent partir se battre en Algérie, dont 25 000 perdirent la vie dans cette guerre qui n'était pas la leur.

La guerre coûta cher aussi au million de pieds-noirs. Ces Algériens d'origine européenne devinrent la masse de manoeuvre de la droite et de l'extrême droite, qui n'avaient que faire de leur avenir, mais qui entendaient les utiliser pour peser ensuite sur la vie politique dans la métropole où beaucoup se sentirent obligés de fuir.

La guerre coûta cher enfin aux travailleurs français, qui durent faire face à un appareil d'État gangrené par des années d'exactions, par la pratique de la torture commise en toute impunité, en Algérie comme auparavant en Indochine.

La plus grande partie de l'état-major de l'armée française opérant en Algérie, refusant de renoncer à l'Algérie française, était entrée en rébellion contre le pouvoir de De Gaulle. Après l'échec du putsch des généraux en avril 1961, il devint évident qu'il n'entraverait pas la marche à l'indépendance de l'Algérie, et c'est une partie de cet état-major qui créa une organisation d'extrême droite sous le sigle de l'OAS, l'Organisation armée secrète.

L'OAS voulait creuser un fossé infranchissable entre les habitants d'origine européenne, les pieds-noirs, et le reste de la population algérienne. Beaucoup espéraient ainsi créer la base de masse d'un parti d'extrême droite, qui aurait pu s'appuyer sur les pieds-noirs rapatriés en métropole. Après les accords d'Évian, les attentats de l'OAS se multiplièrent, visant également en métropole des personnalités qui soutenaient de Gaulle, voire les organisations ouvrières.

La gauche, soutien bien tardif de l'indépendance

En mars 1962, tous les politiciens français, à part l'extrême droite, se déclaraient finalement partisans de l'indépendance. Mais il ne faut pas oublier que toutes les organisations politiques, y compris celles de gauche, avaient été complices du déclenchement de la guerre ou de sa continuation. Ainsi, ce fut le chef du gouvernement socialiste Guy Mollet qui intensifia la guerre et la répression par l'envoi massif du contingent en Algérie : de 200 000 hommes début 1956, les troupes présentes en Algérie passèrent à 450 000 en juillet, afin d'assurer le quadrillage de la population que Robert Lacoste, le nouveau gouverneur socialiste de l'Algérie, réclamait depuis son intronisation. Il le fit grâce aux pouvoirs spéciaux qui furent votés au gouvernement par l'ensemble des députés socialistes et communistes, le 12 mars 1956 : 455 voix se prononcèrent pour, dont celles des 146 députés du Parti communiste français, et seulement 76 contre, venant de l'opposition d'extrême droite.

Le PCF, s'il condamna la guerre, ne fit pas grand-chose pour s'y opposer. Il attendit vraiment les derniers mois de la guerre, et que de Gaulle se soit engagé dans le processus de négociation avec le FLN sur l'indépendance, pour se décider à organiser des manifestations d'ampleur contre la guerre d'Algérie.

En agissant ainsi, la gauche contribua à empêcher que les travailleurs français s'opposent à la politique gouvernementale, creusant un fossé entre ouvriers français et algériens. De cette coupure, les uns et les autres payèrent le prix. Le peuple algérien dut arracher seul son indépendance, en l'absence d'intervention des organisations se réclamant de la classe ouvrière française. Cette lutte, menée sous la seule direction nationaliste du FLN, n'allait lui donner ni l'affranchissement économique, ni la liberté attendue.

Aucune célébration officielle ne viendra commémorer la signature des accords d'Évian et la fin de cette guerre coloniale. Durant ces cinquante années, les gouvernements français ont toujours cherché à jeter un voile sur ces huit années d'une guerre atroce, qui fut le prix terrible payé par le peuple algérien pour se débarrasser du colonialisme. Ils assument le sinistre passé d'oppression coloniale de la bourgeoisie française et son présent d'exploitation impérialiste.

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