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Espagne : Le mouvement du 15 mai à un tournant
Tout au long de la semaine du 22 au 29 mai, les campements installés sur les places centrales des grandes villes d'Espagne ont continué. Et ils devraient continuer au moins dans les jours à venir.
Mais, après deux semaines, le nombre d'occupants s'est un peu réduit et, depuis une semaine, les assemblées discutent de mettre en place des comités de quartier et d'abandonner l'occupation des places publiques. La popularité du mouvement a fait que les jeunes qui se sont rendus dans des quartiers de diverses villes ont été accueillis avec enthousiasme. Cela a suscité la constitution d'assemblées locales informelles, mais où les gens discutaient de la situation et de l'avenir.
Les autorités restent pour l'instant prudentes et laissent faire. Les réactions hostiles à l'intervention de la police à Barcelone, le vendredi 27 mai, ont incontestablement incité le gouvernement socialiste et les dirigeants de droite des villes ou des régions à ne pas trop brusquer les choses. Ainsi la mairie de Malaga, qui devait faire défiler des fanfares militaires devant l'hôtel de ville le dimanche 29 mai, à l'occasion du « jour des forces militaires », en présence du roi Juan Carlos, a décidé de ne pas toucher au campement des « indignés » qui campent justement sur la place de l'hôtel de ville, avec évidemment une multitude de slogans pacifistes. Les fanfares ont défilé finalement devant les arènes de la ville.
Cela dit, la droite piaffe d'impatience et déclare que l'on ne peut pas tolérer indéfiniment ces « foyers d'insalubrité ».
Parallèlement, les représentants du mouvement estiment que la forme du campement ne pourra pas durer longtemps. Et ce, d'autant plus que la perspective amorcée est d'aller constituer des comités de quartier, partout où des participants du mouvement s'en chargent. Ces comités de quartier décident de leurs revendications et de leurs initiatives. Cela a commencé à se faire à Madrid, Barcelone, Séville.
Tout dépendra donc, dans les jours qui viennent, de la mobilisation de ceux qui s'associent à ces comités, des revendications qu'ils mettront en avant et de leur volonté de se tourner vers les travailleurs et de les entraîner dans la lutte.
Jusqu'à présent le mouvement exprime combien la jeunesse en a assez du chômage, de la précarité, de la dégradation des conditions de vie, de l'augmentation des prix, des bas salaires et de la misère dans laquelle vivent des millions de familles. Il traduit une contestation générale face à la situation et trouve une solidarité dans les classes populaires.
Pour le moment le mouvement cherche sa voie. Ceux qui l'animent disent que pour maintenir l'unité, il faut rejeter la politique. Pas seulement la politique des politiciens, mais aussi les références à des partis. Leur mot d'ordre de référence est « Démocratie réelle, tout de suite ». La plate-forme élaborée contient la revendication d'une réforme électorale instaurant une représentation proportionnelle dans les institutions et le recours à des référendums populaires pour les problèmes importants. Quatre autres grandes revendications concernent notamment le chômage et les maux liés au fonctionnement du système bancaire. Il semble maintenant que les dirigeants de fait du mouvement s'orientent vers une simplification de la plate-forme, qui consisterait à gommer des questions comme le chômage, les bas salaires et diverses revendications du monde du travail, qui sont au coeur des problèmes de la société. Au nom de l'apolitisme et de l'unité, certains des responsables du mouvement voudraient sans doute mettre de côté les intérêts économiques et politiques de la jeunesse et des travailleurs. Mais il n'est pas dit que cela les empêche de les mettre en avant dans le mouvement et dans les luttes sociales et politiques à venir.